Réseau ARBRE - Mieux intégrer les enjeux de biodiversité dans les exploitations agricoles : intérêt d’un accompagnement à plusieurs voix
Chapeau
En Maine-et-Loire, un partenariat Chambre d’agriculture, Fédération de chasse, Centre permanent d’initiative pour l’environnement, École supérieure d’agricultures et Conseil départemental agit depuis plus de dix ans en faveur d’une meilleure conciliation entre production agricole et préservation de la biodiversité. Unique en France, le réseau ARBRE (Agriculteurs respectueux de la biodiversité et des richesses de l’environnement) réunit des agriculteurs volontaires pour intégrer la biodiversité dans le fonctionnement de leur exploitation par la conservation, l’aménagement et la gestion des habitats. À travers plusieurs témoignages des acteurs partenaires, cet article présente les clefs de réussite de ce réseau qui fédère aujourd’hui cent-soixante-cinq exploitations agricoles réparties sur tout le département.
Le Maine-et-Loire est caractérisé par une grande diversité de situations agricoles avec quasi tous les types de production représentés dans une mosaïque de paysages (élevage et vallées, plaines céréalières, productions de semences, exploitations fruitières, vignobles, maraichage…) qui présente un certain nombre d’atouts en matière de biodiversité. Depuis l’origine, le réseau ARBRE a comme objectif d’accompagner et de faire progresser tous les types d’exploitation, quel que soit leur niveau d’engagement en faveur de la biodiversité ou de l’environnement. Ainsi les exploitants du réseau ARBRE peuvent pratiquer différentes formes d’agriculture, allant de l’approche conventionnelle à la biodynamie, mais tous doivent respecter un socle minimum d’engagements qui exige notamment de préserver les habitats semi-naturels et de limiter la taille des parcelles à huit hectares au maximum. Les motivations des exploitants sont aussi très diverses : restauration de la vie du sol, intérêt général pour la nature ou pour le petit gibier, amélioration du cadre de vie et du paysage, accueil du public… Composé initialement essentiellement d’exploitations en polyculture-élevage ou grandes cultures, le réseau a progressivement intégré des exploitants viticoles, arboricoles et maraichers.
Au moment de son entrée dans le réseau, chaque exploitant bénéficie d’un diagnostic d’exploitation identifiant les points forts et faibles en matière d’intégration de la biodiversité et préconisant des actions souhaitables pour améliorer les conditions d’accueil de la flore et de la faune sauvage. Pour Ambroise Bécot de la Chambre d’agriculture (encadré 1) et Nicolas Beaumont de la Fédération des chasseurs (encadré 2), ces diagnostics sont le point de départ d’un long travail d’accompagnement et de suivi des exploitations adhérentes. La relation établie avec chacun des exploitants sera entretenue par des visites pour suivre et accompagner la mise en pratique de certaines actions préconisées, pour l’aide à la recherche de financements ainsi que par l’organisation de rencontres « bout de champs » permettant de partager les expériences.
Encadré 1 – Témoignage
Ambroise Bécot, responsable du pôle biodiversité, Chambre d’agriculture des Pays de la Loire
« Dans ARBRE, on essaie aussi de favoriser les échanges entre agriculteurs et avec le grand public (photos 1 et 2). Cela se matérialise par une journée du réseau, organisée tous les deux ans, des rencontres informelles sur le terrain et la participation avec les membres du réseau à des journées techniques ou portes ouvertes. ARBRE se dote aussi d’outils de communication : la feuille d’ARBRE (lettre d’information électronique), un recueil de témoignages de membres sur leurs pratiques… et dans un avenir proche un site internet dédié et un réseau social. Nous observons que ces transferts d’information et de méthodes au sein du réseau peuvent aider chacun à progresser, en s’appuyant sur ces expériences partagées ».
Photo 1 – La journée annuelle du réseau permet aux adhérents du réseau ARBRE de mutualiser leurs expériences et d’échanger sur les thématiques liées à la biodiversité.
Crédit photo : Ambroise Bécot.
Photo 2 – Des échanges et des rencontres informelles se poursuivent sur le terrain.
Crédit photo : Ambroise Bécot.
Encadré 2 – Témoignage
Nicolas Beaumont, chargé de mission agriculture et biodiversité, Fédération des chasseurs de Maine-et-Loire
« Les agriculteurs engagés dans le réseau modifient leurs pratiques. Ils repensent l’entretien des haies, des bords de champs et des bandes enherbées. Très souvent, ils aménagent leur parcellaire pour améliorer la capacité d’accueil de la petite faune. Sur une commune, en seulement trois années, quatre agriculteurs se sont mobilisés pour planter plus de 3 000 mètres linéaires de haies, 152 arbres en agroforesterie, restaurer 7 mares et créer 3 nouvelles mares (photos 3 et 4). Ils se sont équipés d’une barre d’effarouchement avec la CUMA (Coopérative d’utilisation de matériel agricole) pour sauver la faune lors des travaux de fauche. Un accompagnement technique et financier est assuré pour ces actions ».
Photo 3 – Plantations de haies, un exemple d’aménagement parcellaire pour développer les auxiliaires de cultures et la petite faune sauvage des milieux agricoles.
Crédit photo : Nicolas Beaumont.
Photo 4 – Création de mare, un élément du paysage agricole d’une grande richesse pour la flore et la faune.
Crédit photo : Nicolas Beaumont.
Alors que ces partenaires techniques focalisent leurs efforts sur la gestion et l’aménagement de différents habitats favorables à la biodiversité, le rôle d’Olivier Durand, naturaliste au CPIE, est différent et complémentaire (encadré 3). À travers la mise en place d’observations de terrain menées en compagnie des exploitants, il apporte aux membres du réseau la possibilité de mieux connaitre les habitats et les cortèges d’espèces qu’ils supportent, au sein de l’agroécosystème qu’ils gèrent. En pratiquant par exemple un relevé entomologique, certains exploitants découvrent une diversité faunistique qu’ils ignoraient totalement : des insectes connus pour leurs rôles d’auxiliaires ou de ravageurs, ou simplement étonnants, beaux ou diversifiés.
Encadré 3 – Témoignage
Olivier Durand, chargé d’action biodiversité, CPIE Loire Anjou
« Réaliser des inventaires en compagnie de l’exploitant, passer à deux reprises sur les parcelles dans l’année, capturer des insectes auxiliaires et les observer, les rendent concrets pour l’agriculteur. Cette observation permet ensuite d’initier des réflexions pour leur intégration au fonctionnement global de l’exploitation, d’appréhender les enjeux, les démystifier, pour en tenir compte et même les percevoir comme des opportunités. Le plaisir – et parfois la fierté – est là aussi chez l’agriculteur, quand il découvre 20 espèces de coccinelles, des syrphes auxiliaires à foison ou une belle diversité de criquets dans ses parcelles. C’est son travail du quotidien qui permet de les conserver. Par la suite, l’implication, sur une ou plusieurs saisons, dans l’Observatoire agricole de la biodiversité (OAB) complète cette amélioration de la perception de toute la biodiversité qui s’exprime sur l’exploitation ».
Photo 5 – Les observations de terrain permettent aux membres du réseau de mieux connaitre les habitats et les espèces présents au sein de leur parcelle.
Crédit photo : Dominique Drouet.
Photo 6 - En participant au relevé entomologique, l’agriculteur découvre parfois une diversité faunistique étonnante au sein de son exploitation.
Crédit photo : Dominique Drouet.
L’implication de Joséphine Pithon, enseignante en écologie à l’École supérieure d’agricultures d’Angers et chercheuse au sein de l’unité mixte de recherche BAGAP
Encadré 4 – Témoignage
Joséphine Pithon, Enseignante-chercheur en écologie, ESA-UMR BAGAP
« Avec l’appui d’une stagiaire en master 2, nous avons réalisé une étude à échelle départementale des facteurs pouvant favoriser la biodiversité de plans d’eau artificiels utilisés pour l’irrigation et de produire un guide des bonnes pratiques. L'étude a été financée par le conseil départemental de Maine-et-Loire. Grâce à la coopération de 24 membres du réseau ARBRE, nous avons prospecté 30 réserves d’irrigation pour relever leur biodiversité végétale et animale ainsi que les pratiques de gestion. Cela a permis de produire de la connaissance sur un type de milieu très peu étudié en écologie mais qui fournit des habitats pour certaines espèces dans un contexte de forte dégradation des milieux aquatiques ».
Photo 7 – Végétation aquatique à feuilles flottantes de Potamots spp., Montrevault-sur-Evre (Maine-et-Loire).
Crédit photo : Oona Le Rallic-Maho.
Photo 8 – Pente douce et ceinture d’hélophytes, Somloire (Maine-et-Loire).
Crédit photo : Oona Le Rallic-Maho.
Quels ont été les clefs de réussite de ce réseau qui fédère aujourd’hui un si grand nombre d’exploitations ? Sans doute plusieurs facteurs y ont joué. Depuis le début des années 1990, les acteurs de l’agriculture et de l’environnement de ce territoire ont su dialoguer pour trouver les compromis nécessaires entre activités agricoles et préservation du patrimoine naturel, par exemple lors de la mise en œuvre de la politique Natura 2000 dans les Basses Vallées Angevines. Une enquête récente auprès des membres du réseau a permis de pointer certains éléments de satisfaction : les agriculteurs apprécient l’expertise apportée dans le cadre du diagnostic et de l’accompagnement, la gratuité et l’absence de contrainte administrative.
Surtout, nous pensons que la composition du partenariat y est pour beaucoup, articulant les capacités de suivi et de mise en réseau d’exploitations développées par la Chambre et la Fédération des chasseurs, les compétences naturalistes des associations CPIE et Fédération de chasse et enfin le lien avec l’expertise scientifique. Cette composition permet d’atteindre un équilibre entre la bonne compréhension des besoins et contraintes des agriculteurs, la vigilance quant à l’objectif de progresser en matière de protection de la biodiversité et l’identification des opportunités de participer en tant que collectif à des réflexions et innovations en cours dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche.
En savoir plus
→ Site internet de la Chambre d’agriculture Pays de la Loire, Présentation du réseau ARBRE : https://pays-de-la-loire.chambres-agriculture.fr/vos-chambres/en-pays-de-la-loire/reseaux-dexperimentation-et-de-demonstration/reseau-arbre/
→ Site internet de l’unité mixte de recherche BAGAP : https://www6.rennes.inrae.fr/bagap
Notes
- L’unité mixte de recherche BAGAP (Biodiversité, agroécologie et aménagement du paysage) associe l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), Agrocampus Ouest, et l’École supérieure d'agricultures (ESA) d’Angers.
- Compte d'affection spécial au développement agricole et rural.
Résumé
En Maine-et-Loire, un partenariat Chambre d’agriculture, Fédération de chasse, Centre permanent d’initiative pour l’environnement, École supérieure d’agricultures et Conseil départemental agit depuis plus de dix ans en faveur d’une meilleure conciliation entre production agricole et préservation de la biodiversité. Unique en France, le réseau ARBRE (Agriculteurs respectueux de la biodiversité et des richesses de l’environnement) réunit des agriculteurs volontaires pour intégrer la biodiversité dans le fonctionnement de leur exploitation par la conservation, l’aménagement et la gestion des habitats. À travers plusieurs témoignages des acteurs partenaires, cet article présente les clefs de réussite de ce réseau qui fédère aujourd’hui cent-soixante-cinq exploitations agricoles réparties sur tout le département.
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