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Bordures de champs : diagnostic et gestion par une approche territoriale

Chapeau

La « Typologie des bords extérieurs de champs » est un outil qui s’appuie sur des critères de structures et de cortèges végétaux pour accompagner le changement de pratiques des agriculteurs concernant la gestion des bordures de champs. Développé par le groupe technique national Agrifaune, il propose une méthodologie pour une application étendue de l’échelle de la parcelle à celle des territoires. À ce jour, dix communes ou territoires en métropole ont développé une approche territoriale de la gestion des bordures de champs en lien avec la préservation de la biodiversité. Deux de ces projets territoriaux sont exposés dans cet article.

Introduction – Brève histoire des bords de champs

L’agriculture a toujours géré les bords de champs en fonction des priorités liées aux besoins des exploitations : délimitation du parcellaire, traditions liées à l'élevage (haies vives), aménagements nécessaires au drainage (fossés) ou à la protection contre le vent (peuplier, cyprès et autres espèces d'alignement).

Les opérations de remembrement, l’impact des pressions économiques sur l’activité des exploitations induisant des modifications telles que l’agrandissement des parcelles, la modernisation des machines agricoles, l’agrandissement des largeurs d’intervention sont venus ajouter une pression sur ces milieux, tendant à faire diminuer leur emprise. Sous ces effets, ces espaces utilisés par de nombreuses espèces sauvages ont été délaissés tant au niveau de leur gestion qu’au niveau des intérêts agronomiques qu’ils représentent et des services écosystémiques qu’ils supportent.

Encadré 1 – Le programme Agrifaune – Un partenariat gagnant-gagnant

Dans un contexte d’érosion de la biodiversité, les mondes agricole et cynégétique ont souhaité s’associer pour identifier et expérimenter des solutions à la fois favorables à l’agriculture et à l’environnement. En 2006, le programme Agrifaune a été créé en mobilisant des moyens humains et financiers pour construire l’expertise et permettre d’identifier, d’évaluer et de développer des itinéraires techniques favorables à la biodiversité et à la faune sauvage, tout en restant compatibles avec les réalités techniques, économiques et sociales des exploitations

Depuis quinze ans, ce programme réunit quatre partenaires nationaux qui mobilisent leurs réseaux en régions et départements sur ces questions : Chambres d’agriculture France (APCA), la Fédération nationale des chasseurs, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et l’Office français de la biodiversité.

Les objectifs globaux du programme sont portés au national. Il s’agit :

- d’échanger sur les pratiques agricoles et les aménagements favorables à la préservation de la biodiversité et de la petite faune sauvage,

- d’expérimenter des solutions innovantes et d’acquérir des connaissances,

- de construire des références techniques sur le terrain,

- de valoriser les résultats et favoriser leur déploiement dans les territoires,

- de promouvoir une agriculture performante et respectueuse de son environnement.

Pour atteindre ces objectifs, Agrifaune a constitué des groupes techniques nationaux. Ils ont été lancés au fur et à mesure de l’identification, sur le terrain, de thématiques ou enjeux suffisamment importants pour justifier d’un groupe de travail national en propre. Les membres des groupes techniques s’attachent à proposer des innovations techniquement abordables pour concilier économie, agronomie, environnement et faune sauvage.

Ils rassemblent tous les partenaires Agrifaune concernés ainsi que des experts extérieurs au programme, comme les instituts de recherche agricole, institutionnels ou professionnels. À l’heure actuelle, ils sont au nombre de cinq et constituent les thématiques prioritaires d’intervention d’Agrifaune : Bords de Champs, Gestion de l’entreculture et pratiques innovantes, Machinisme et organisation parcellaire, Biodiversité des territoires viticoles et Pratiques pastorales et petite faune de montagne

Les actions du programme sont mises en œuvre sur le terrain à l’échelle des régions et des départements par des structures locales, sur le modèle du partenariat national, c’est-à-dire avec au moins un partenaire agricole et un partenaire cynégétique. Pour se faire, les partenaires nationaux mobilisent leurs réseaux régionaux et départementaux : Chambres d’agriculture, Fédérations des chasseurs et Fédérations des syndicats d’exploitants agricoles notamment, mais aussi des associations de développement agricole, des coopératives ou des lycées agricoles.

Agrifaune ambitionne aujourd’hui de mieux outiller les acteurs dans les territoires pour contribuer ainsi à la mise en place de pratiques agricoles insérées dans l’économie, favorisant la biodiversité, la petite faune sauvage et ses habitats. Une boîte à outils des mesures testées et validées sur le terrain avec les agriculteurs est en cours d’élaboration pour répondre à cet objectif.

En savoir plus sur le programme Agrifaune : www.agrifaune.fr

Les bords de champs, une infrastructure agroécologique d’importance

Le « bord de champ » ou « bordure extérieure » est une zone herbacée, spontanée ou implantée, différente de celle de la parcelle cultivée et non productive, qui se situe à l’interface entre une culture et tout autre milieu adjacent (chemin, haie, route…). Cet espace se distingue d’une prairie par sa hauteur et sa composition végétale. Sa largeur peut varier allant de 0 à 5 mètres en bords de chemin ou de haie. Lorsqu’il se situe à proximité d’un cours d’eau ou d’un fossé, la réglementation impose la présence d’une bande tampon semée ou spontanée de 5 mètres minimum.

Figure 1 – Schéma illustrant la définition du bord de champs selon la typologie Agrifaune des bords de champs.

Les bordures extérieures de champs revêtent un intérêt primordial pour la conservation de la faune et la flore sauvage. Cependant, il convient de les entretenir de manière appropriée pour limiter les risques d’infestation des parcelles cultivées adjacentes. En effet, ces dispositifs sont souvent considérés aujourd’hui comme des réservoirs d’adventices, de maladies ou de ravageurs, et peuvent être les cibles de broyages ou de désherbages importants ne leur permettant plus de rendre un service écosystémique intéressant.

Par exemple, dans les plaines céréalières beauceronnes, les bordures extérieures de champs représentent en moyenne deux hectares sur une exploitation de cent-vingt hectares. Ces espaces non négligeables se situent souvent en bords de chemin. Des études scientifiques (Le Bris, 2016 ; Le Roux et al., 2008) ont montré qu'elles constituent des refuges pour la flore (80 % de la flore des bordures n'est jamais observée dans les parcelles cultivées adjacentes) et les invertébrés dont des auxiliaires de cultures et des pollinisateurs… Elles offrent des habitats favorables à la nidification de l'avifaune et d'importantes ressources alimentaires, notamment en arthropodes pour les poussins de perdrix grise. Ainsi, 20 % des ressources alimentaires nécessaires aux oiseaux (adultes) sont fournies par ces espaces (graines et insectes). Les bords de champs sont surtout indispensables à la survie des jeunes. Leur intérêt est lié à la présence d'un couvert suffisant au printemps et en début d'été.

Depuis 2010, les objectifs des travaux menés dans le programme Agrifaune ont été de valoriser ces milieux auprès des mondes agricole et cynégétique.

Figure 2 – Neuf raisons d’avoir une bordure de champs en bon état agroécologique.

Source : plaquette Agrifaune « Bordures extérieures de champs : semer pour valoriser les espaces non fonctionnels », Lebris et al.

Diagnostiquer l’état des bordures

Pour accompagner la prise en compte des bords de champs dans le système d’exploitation, le Groupe technique national Agrifaune (GTNA) Bords de champs a identifié puis expérimenté sur le terrain des méthodes de diagnostic et des itinéraires techniques de gestion dans le but de maintenir ou d’améliorer la biodiversité et limiter les potentiels foyers de bio-agresseurs pour les parcelles adjacentes.

La typologie des bords extérieurs de champs Agrifaune a été construite dans ce cadre en s'appuyant sur les résultats des diagnostics Ecobordure (voir l'article de Swiderski et al., à paraître dans ce même numéro). Cet outil permet de diagnostiquer l'état agroécologique des bordures de champs en s'appuyant sur des critères de structures (les types) et de cortèges floristiques simples (les faciès). Accessible en terme d'utilisation, ne nécessitant pas de compétences botaniques poussées, il s'agit aussi d'un outil de communication et de sensibilisation. Il permet de porter le regard des gestionnaires et des exploitants sur ces milieux dévalués et d'engager des discussions et des réflexions sur des changements de pratiques. En effet, il aborde les avantages et inconvénients (agronomiques, économiques, écologiques…) de chaque type et propose des conseils de gestion adaptée. Le diagnostic se décline en trois étapes successives : une observation des critères structurels permet une première approche et fournit des conseils de gestion qui sont affinés en deuxième étape avec l'observation des cortèges végétaux. Ensuite, des fiches thématiques permettent d'aborder des conseils spécifiques liés à la présence d'un troupeau pâturant, d'une haie ou d'éléments d'habitats présents (bois mort, empierrement par exemple).

Parmi les conseils de gestion proposés, on pourra citer le décalage des périodes d'entretien (broyage ou fauche) pour les linéaires en bon état de conservation, c'est-à-dire qui présentent une flore prairiale non problématique pour les parcelles cultivées adjacentes. Entretenir les bordures de champs en période automnale ou hivernale (d'octobre à avril) permet de maintenir un couvert après la moisson et de constituer des habitats pour l'entomofaune et la macrofaune. Cela permet aussi à la végétation de réaliser son cycle de floraison et fournir de la ressource diversifiée aux pollinisateurs en complément des floraisons massives apportées par certaines cultures (colza, tournesol). D'autres opérations peuvent être menées pour restaurer des linéaires dégradés ou peu favorables à soutenir des services écosystémiques. Par exemple, des bordures à faible largeur ou présentant de fortes densités d'adventices problématiques pour les cultures peuvent être semées avec un mélange pérenne de fleurs sauvages « Agrifaune Bords de champs » (Chevalier et al., 2018) permettant de contrôler la pression des adventices et ensuite à la flore spontanée de s'installer.

L’outil propose également une méthodologie pour une application étendue à une échelle territoriale.

Figure 3 – Typologie des bords extérieurs de champs.

Source : Agrifaune.

Diagnostic des bordures de champs à l’échelle d’un territoire : passer de la bordure à un groupe de bordures pour engager une démarche globale

L’adaptation de la gestion des bords de champs par les exploitants agricoles et les services techniques des collectivités, selon la nature et le positionnement des bordures, est aujourd’hui au cœur de nombreuses démarches.

Si cette thématique est souvent vue dans un premier temps à l’échelle restreinte d’une exploitation, l’objectif est d’élargir l’échelle d’étude de ces éléments semi-naturels et d’intégrer un maximum d’acteurs dans leur gestion afin de reconstituer un maillage de trames vertes fonctionnel au sein du paysage.

Cette démarche globale à l’échelle d’un territoire comme une commune ou un groupement d’intérêt cynégétique (GIC) par exemple, permet d’impliquer tous les acteurs concernés : élus communaux, habitants, exploitants agricoles, chasseurs. Elle permet d’engager des actions collectives et concertées mais aussi de sensibiliser les citoyens sur les actions des acteurs du monde agricole qui œuvrent favorablement à la préservation des écosystèmes et de la biodiversité.

L’étude territoriale de la gestion des bords de champs s’articule en différentes étapes. Il s’agit d’abord de construire le partenariat avec les acteurs techniques et financiers puis de s’entretenir avec les acteurs du territoire et de définir leurs attentes respectives. Cette collaboration est essentielle car elle permet de déterminer un programme d’actions co-construit qui, si possible, répondra au mieux aux attentes de chacun.

La deuxième phase est l’état des lieux des bordures de champs à l’aide des différents outils de diagnostic présentés dans le guide méthodologique édité par le groupe technique national Agrifaune (GTNA) Bords de champs. Cette phase permet ainsi d’identifier le potentiel des bordures de champs du territoire et de définir par la suite des conseils de gestion favorables à leur préservation et/ou restauration. Cette étape de diagnostic peut s’accompagner d’actions de sensibilisation auprès de l’ensemble des gestionnaires sur les intérêts et inconvénients des différents états des bordures de champs pour la flore, la faune sauvage, les auxiliaires de culture et les cultures.

Le diagnostic sert alors de base à la discussion pour élaborer un plan de gestion territorial et à la définition des pratiques de gestion à conduire sur les bordures extérieures de champs. La mise en œuvre du plan de gestion peut être réalisée de manière concertée entre les différents gestionnaires afin d’optimiser les temps de travaux de chacun. La réussite de ce type de projet nécessite un temps d’animation conséquent afin de coordonner l’ensemble des acteurs et parties prenantes.

Études menées ou en cours

À ce jour, on dénombre dix communes ou territoires en métropole ayant entrepris des travaux collectifs et concertés sur les bords de champs. Accompagnés par des partenaires techniques Agrifaune, les acteurs du territoire s’engagent dans des modifications de pratiques sur les bordures de champs en lien avec des projets plus vastes sur la biodiversité. Il peut s’agir d’une action inscrite dans le cadre d’un Agenda 21, ou d’une action complémentaire dans la gestion de peuplement cynégétique par exemple.

Les exemples des communes de Tilloy et Bellay dans la Marne (focus 1) et de Deuil sur le Mignon en Charente-Maritime (focus 2) illustrent les actions de coopérations menées sur les territoires pour une meilleure prise en compte des bordures de champs.

Focus 1 – Symbiose : La trame verte en plaine de champagne crayeuse marnaise : le projet « Biodiversité autour de Tilloy et Bellay » (Marne)

Solène Allart (Fédération départementale des chasseurs de la Marne) et Sylvain Duthoit (Chambre d’agriculture de la Marne)

Porté par l’association Symbiose pour des paysages de biodiversité, avec un financement de la région Grand Est, le projet de travailler sur une trame verte, à l’échelle d’un territoire, a démarré en 2015 à l’initiative d’une quinzaine d’exploitants agricoles situés sur la commune de Tilloy-Bellay, au cœur de la plaine de Champagne crayeuse, dans le département de la Marne. Avec le concours de la Chambre d’agriculture et de la Fédération des chasseurs de la Marne, ces exploitants se sont regroupés pour former un GIEE1 « Agriculture et biodiversité autour de Tilloy et Bellay » dans le but de travailler à la fois sur la biodiversité et sur la production de l’eau de qualité sur le bassin de captage, sur 3 360 ha. Le bord de chemin, déjà présent sur le territoire, préfigure un schéma structurant de la trame verte qui présente l’avantage de ne pas empiéter sur la surface de production.

2016 : diagnostic participatif

La phase de diagnostic des bords de chemins s’est appuyée sur la contribution des agriculteurs du territoire qui, à l’issue d’un temps de formation, ont été invités, carte à la main, à prospecter sur une partie du territoire de manière à caractériser les bordures selon une typologie simplifiée. Une étude des insectes (notamment auxiliaires de cultures) a été conduite en parallèle sur les bordures pour obtenir des arguments supplémentaires sur l’intérêt de ces espaces de biodiversité. Ce diagnostic visait à identifier les bordures ne présentant aucun risque adventice, et pouvant prétendre à une pratique de fauche améliorée, laquelle consiste à éviter les fauches multiples (parfois deux à trois fois au cours du printemps), et à décaler la date de fauche de manière à maintenir ce couvert herbacé et floral, au moins jusqu’à la fin du mois de juin (période critique pour un certain nombre d’espèces animales et végétales en pleine période de reproduction).

2017 : mise en place du plan de fauche des bordures de chemin

Ce plan de fauche initial (il s’agit en réalité d’un plan de broyage compte-tenu du matériel disponible sur le territoire) propose aux agriculteurs de réviser leurs pratiques sur au moins 1 000 m de bordures, en recourant à l’une des trois modalités suivantes : fauche retardée au moment des récoltes (à partir de juillet), fauche automnale (septembre), ou fauche en sortie d’hiver (mars). En 2017, treize exploitations membres du GIEE ont répondu favorablement, et conduit ces pratiques sur 19 km de bords de chemins. Le broyage retardé au moment des récoltes reste la modalité principalement choisie.

2018 à 2020 : déploiement du programme

Le plan de décalage des périodes de broyage a été reconduit en 2018 et 2019 avec quinze exploitations pour 25 km de bords de champs. En 2019, l’engagement d’améliorer les pratiques de gestion s’est étendu à la totalité du linéaire entretenu par les membres du GIEE, soit 80 km de bord de champs.

Une démarche de progression est à souligner chez les agriculteurs accompagnés durant ces quatre années, par comparaison aux agriculteurs témoins (hors GIEE). Là où le groupe témoin gère de manière automatique ses bordures de champs sans prendre en compte les caractéristiques de cette bordure (une, voire deux dates de fauche différentes pour 95 % des exploitants), le groupe GIEE semble plus attentif à adapter le type de gestion en fonction de la bordure (40 % des agriculteurs ont plus de trois modes de gestions différents, c’est-à-dire trois dates de broyage différentes).

D’autres mesures sont également venues compléter cette trame verte en devenir, avec le semis de quelques bordures de champs et de pieds de haies qui présentaient des densités importantes en flore adventice, également la plantation d’une haie et de quelques « bouchons » (plots arbustifs), ou encore le semis de bandes intraparcellaires en couvert mellifère, le maintien de bandes de chaumes…

Les travaux de semis sur les bords de champs dominés par les adventices s’accompagnent d’une démarche de sensibilisation sur les pratiques menées, notamment sur la parcelle cultivée : une attention particulière est portée sur les risques de dérives pouvant mettre à mal le développement des espèces du couvert et avoir un effet délétère sur l’action.

Focus 2 Projet communal de Deuil sur le Mignon (Charente-Maritime)

Martine Géron (Chambre d’agriculture de Charente-Maritime.) et Philippe Blondeau (Chambre régionale d’agriculture Nouvelle-Aquitaine)

À l’occasion de la révision du plan local d’urbanisme, la commune a constaté une perte de biodiversité sur son paysage, avec la disparition progressive de la trame bocagère et de l’élevage. Elle a initié un projet multi partenarial et engagé trois volets d’action :

– une sensibilisation de la population avec le programme « Mon village espace de biodiversité » : programme de sciences participatives (CNRS) consistant en des actions avec les écoles, des animations publiques et la création d’un rucher pédagogique ;

– un inventaire-caractérisation du bocage réalisé en 2019 par le pôle bocage de l’Office français de la biodiversité ;

– un diagnostic de gestion des bords de champs, réalisé par la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime en 2020, avec l’aide d’une stagiaire de Master 2. Du fait de la pandémie, l’organisation a dû être adaptée.

Concernant l’action sur les bordures de champs, la première étape a consisté à rencontrer les agriculteurs et l’employé communal pour identifier leurs parcelles et le mode d’entretien des bordures de champs. Cette étape a été réalisée sous la forme de questionnaire et d’entretien téléphonique. Sur trente-sept agriculteurs contactés, dix-neuf ont répondu au questionnaire et quinze se sont engagés dans l’étude. La deuxième phase s’est donc poursuivie auprès de ces quinze agriculteurs par la réalisation des diagnostics des bordures de champs.

Résultats des diagnostics

Le diagnostic mené avec l’outil Typologie des Bordures de champs Agrifaune a été conduit sur 186 bordures. Trois types se sont illustrés comme majoritaires sur la commune :

– le type A : il n’y a pas de bordures, donc pas de végétation spontanée entre la parcelle cultivée et l’élément adjacent. Ce cas concerne 38 % des linéaires inventoriés ;

– le type D : les bordures font moins d’un mètre de large et sont donc susceptibles de se dégrader (une faible largeur maximise les effets de bords comme l’érosion mécanique liée au passage des engins dans le chemin, les dérives de travail du sol dans la parcelle venant mettre à nu la bordures de champs ou encore les dérives phytosanitaires pouvant sélectionner une flore adventice rudérale) et présente un faible intérêt pour la biodiversité. Cette situation est rencontrée sur 34 % des bordures de champs du territoire ;

– enfin, 18 % des bordures diagnostiquées entre mai et juin présentaient une végétation broyée.

En termes de faciès de cortèges végétaux, la majorité présente des cohortes d’espèces adventices dont l’intérêt pour la biodiversité est réduit et qui surtout représente un risque de contamination pour la parcelle cultivée.

L’ensemble des résultats de diagnostic ont été restitués auprès des élus communaux et des agriculteurs (le diagnostic individuel d’exploitation a été remis sous forme de rapport à chacun des exploitants). Le plan de gestion a été cartographié avec l’identification de zones prioritaires et de linéaires de reconstitution de connexions. Enfin, des préconisations de gestion ont été proposées aux agriculteurs.

Réalisations

Afin de gérer le risque adventice, des semis de mélange Agrifaune Bords de champs ont été proposés dans le plan de gestion. À l’automne 2021, sept agriculteurs ont semé le mélange Agrifaune sur des bordures de champs qui présentaient un fort recouvrement d’espèces adventices pour un total de 5 km linéaire sur le territoire en mobilisant un semoir spécifique de 1,4 m de large. Des suivis botaniques et des conseils techniques sont délivrés le printemps suivant pour veiller à la bonne implantation du couvert. Des animations et sensibilisations sur le terrain au printemps 2022 ont permis d’engager de nouveaux agriculteurs et de nouveaux linéaires dans ce type de semis.

Par ailleurs, 2 300 mètres de haies ont également été plantés entre 2019 et 2021 grâce à un financement du conseil départemental (programme EVA).

Perspectives

Suite à un avis favorable à l’appel à manifestation d’intérêt, la commune a déposé un projet à l’automne 2021 dans le cadre de l’appel à projet de la Région Nouvelle Aquitaine « Nature et Transition », afin de poursuivre les actions en cours. Le dispositif est complété par le programme Agrifaune régional afin d’assurer le suivi technique du projet (semis de bordures, suivis de la biodiversité et sensibilisation sur les bordures de champs).

Photo 1 – Semis d’une bordure de champs initialement couverte d’adventices avec le mélange Agrifaune Bords de champs et un semoir spécifique à Deuil sur le Mignon.

Source : Chambre d’agriculture de Charente-Maritime.

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Photographie d’entête : © S. Vanpeene (INRAE).

Notes

  • http://www.agrifaune.fr/fileadmin/user_upload/National/004_eve-agrifaune/Publications_GTNA_BDC/Guide-methodo-etude-territoriale.pdf
  • Groupement d'intérêt économique et environnemental.

Références

  • Baudry, J., Jouin, A., Thenail, C. (1998). La diversité des bordures de champ dans les exploitations agricoles de pays de bocage. Études et Recherches sur les Systèmes Agraires et le développement, 117-134, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01231559/
  • Chevalier, R., Lebris, C., Baron, S., Isselin-Nondedeu, F., Lesage, C., Michau, F., Swiderski, C. (2018). Retour d’expérience - Restauration de la biodiversité floristique des bordures de champs par semis de fleurs sauvages : premiers résultats obtenus en Beauce. Sciences Eaux & Territoires, (25), 52-57, https://doi.org/10.14758/SET-REVUE.2018.25.10
  • Le Bris, C. (2016). Les bordures extérieures de champs en Beauce, des espaces à valoriser : ne laissons pas la biodiversité au bord du chemin, Agronomie, Environnement & Sociétés,6 (1), 59-64.
  • Le Cœur, D., Baudry, J., Burel, F., Thenail, C. (2002). Why and how we should study field boundary biodiversity in an agrarian landscape context. Agriculture, ecosystems & environment, 89(1-2), 23-40, https://doi.org/10.1016/S0167-8809(01)00316-4
  • Le Roux, X., Barbault, R., Baudry, J., Burel, F., Doussan, I., Garnier, E., Herzog, F., Lavorel, S., Lifran, R., Roger-Estrade, J. (2008). Agriculture et biodiversité. Valoriser les synergies : Synthèse du rapport d’expertise. INRA, 116 p., https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01173738
  • Olson, D. M., Wäckers, F. L. (2007). Management of field margins to maximize multiple ecological services. Journal of Applied Ecology, 44(1), 13-21, https://doi.org/10.1111/j.1365-2664.2006.01241.x
  • Marshall, E. J. P., Moonen, A. C. (2002). Field margins in northern Europe: their functions and interactions with agriculture. Agriculture, Ecosystems & Environment, 89(1-2), 5-21, https://doi.org/10.1016/S0167-8809(01)00315-2

Résumé

Les bordures de champs représentent des zones d’interfaces et constituent des milieux essentiels à la préservation de la faune sauvage et de la biodiversité en générale. Ce sont des milieux écologiquement intéressants en tant que refuges pour la flore naturelle, pour de nombreux arthropodes, et représentent une zone privilégiée pour la petite faune. L’intérêt des bordures de champs pour cette biodiversité est lié à la stabilité de ces milieux, à leur surface au sein de la surface agricole utile (SAU) des exploitations, ainsi qu’à la gestion qui leur est appliquée. Le groupe technique national Agrifaune sur les bords de champs expérimente et diffuse depuis une dizaine d’années des outils pour accompagner les gestionnaires (principalement les agriculteurs et les conseillers du monde rural) sur cette thématique. Ils ont développé un outil de diagnostic et de conseil de gestion : la typologie des bords extérieurs de champs qui s’appuie sur des critères de structures et de cortèges végétaux pour accompagner le changement de pratiques. Parmi les solutions, le mélange Agrifaune composé de fleurs sauvages permet de revaloriser les linéaires non fonctionnels présentant une faible largeur ou un fort recouvrement en espèces adventices problématiques pour les cultures. Néanmoins, une action ponctuelle et locale ne peut répondre à elle seule à la viabilité des services écosystémique supportés par les bordures de champs. L’enjeu repose sur la prise en compte de ces linéaires à l’échelle du paysage et donc à leur gestion à l’échelle d’un territoire et à la coordination des acteurs (agriculteurs, collectivités…). Des programmes territoriaux sur les bordures de champs voient le jour en métropole et sont pilotés par les animateurs Agrifaune qui permettent de fédérer les différents gestionnaires autour des enjeux de la biodiversité, de créer de la coopération sur le territoire et d’accompagner des actions de communication et de sensibilisation pour valoriser ces initiatives auprès du grand public.

Auteurs


Chloé SWIDERSKI

c.swiderski@hommes-et-territoires.asso.fr

Affiliation : Association Hommes et Territoires, Cité de l'agriculture, 13 avenue des droits de l'Homme, 45921 Orléans Cedex 9, France

Pays : France


Élodie CHAUVET

Affiliation : Chambres d’agriculture France (APCA), 9 avenue George V, 75008 Paris

Pays : France

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