Inventaire de biodiversité des poissons et crustacés d’eau douce par pêche à l’électricité en petits cours d’eau tropicaux : réglages, efficacité et recommandations
Chapeau
Méthode classiquement utilisée pour les inventaires de biodiversité des poissons et crustacés dans le cadre de la surveillance réglementaire de l’état écologique des cours d’eau, la pêche à l’électricité pose un certain nombre de difficultés en territoires ultramarins tropicaux. Des recherches et des essais au laboratoire et in situ ont permis de définir des conditions spécifiques de son application aux petits cours d’eau (inférieurs à six mètres mètres de large) tropicaux et d’identifier les réglages électriques les plus efficaces pour la capture, l’estimation de la richesse spécifique et de l’abondance des espèces, et le respect de la santé animale.
Introduction
La pêche à l’électricité consiste à délivrer un courant électrique dans l’eau au moyen de deux électrodes pour permettre la capture des organismes aquatiques tels que les poissons. Les caractéristiques du courant appliqué, les appareils utilisés et les modes opératoires mis en œuvre doivent faire l’objet de la plus grande attention, pour la sécurité des opérateurs, l’efficacité de capture et le bien-être des animaux. Les tensions et intensités électriques utilisées pouvant induire une électrisation plus ou moins sévère. Tous les opérateurs du chantier de pêche à l’électricité doivent avoir suivi une formation sur la prévention du risque électrique, et être habilités pour les postes clés d’ouverture/fermeture du circuit et de supervision de la sécurité de l’opération. Les consignes de protection individuelle et de sécurité doivent être scrupuleusement respectées. Pour les organismes aquatiques, vertébrés notamment, le champ électrique dans l’eau, s’il est assez puissant, va générer différents comportements incluant l’attraction vers l’anode (électrode positive) puis l’immobilisation, ce qui permet leur capture. Mais différentes pathologies internes (déplacements vertébraux et fractures, hémorragies) peuvent également survenir, pouvant aller jusqu’à entrainer la mort du poisson. Il convient donc, pour le respect du bien-être animal, de connaitre et d’appliquer les réglages adaptés pour réaliser des opérations de pêche à l’électricité. Bien pratiquée en revanche, la pêche à l’électricité n’est pas intrusive et permet la remise à l’eau des poissons après l’inventaire.
Les études pionnières sur la pêche à l'électricité en eau douce ont pour beaucoup été réalisées en France dans les années 1960-1970 (Vibert et Cuinat, 1961 ; Cuinat, 1965 ; Gosset et al., 1971 ; Gosset, 1976 ; Lamarque, 1977). Elles ont permis de définir les principes physiques de la propagation du courant électrique dans l'eau, en fonction des types de courant (continu ou pulsé de différentes fréquences) et de la forme des électrodes utilisées. Ces travaux ont été repris et développés ensuite par de nombreuses équipes dans le monde, notamment pour répondre à des enjeux scientifiques touchant à la connaissance de l'écologie des poissons et des écosystèmes aquatiques. La pêche à l'électricité est maintenant utilisée pour le suivi réglementaire des masses d'eau dans le cadre de la directive cadre européenne sur l'eau (DCE), pour laquelle il existe des indicateurs de qualité basés sur la caractérisation des communautés de poissons. Elle permet également de suivre l'évolution démographique de populations à fort enjeu de conservation et/ou à fort potentiel halieutique, tels que les poissons migrateurs amphihalins. Ainsi, la pratique de la pêche à l'électricité en écosystèmes tempérés a fait l'objet de mises au point méthodologiques, comme cette parution récente en France aux éditions de l'Office français de la biodiversité (OFB) « Guides et Protocoles » (Pottier et al., 2022a).
Dans les eaux peu profondes (moins de 60 cm de profondeur), la pêche à l’électricité peut avantageusement remplacer d’autres méthodes d’inventaires par capture (filets, nasses), en offrant la possibilité d’une prospection à pied par l’opérateur et une remise à l’eau des spécimens capturés. Cependant, il existe plusieurs facteurs qui influencent son efficacité. D’une part, l’efficacité varie selon les caractéristiques biologiques des animaux ciblés, notamment leur morphologie, taille corporelle et comportement de nage. D’autre part, les caractéristiques de l’habitat pêché (profondeur, surface à prospecter d’une berge à l’autre en rivière, anfractuosités du substrat, végétation aquatique…) peuvent fortement influencer la capacité d’attraction de l’animal et sa capture par l’opérateur. Cela souligne la nécessité de faire des réglages électriques adaptés pour optimiser les chances d’attraction vers l’anode (ou taxie anodique). Enfin, l’efficacité de la pêche à l’électricité est fondamentalement liée à la conductivité de l’eau qui change la propagation du signal électrique autour de l’anode. On sait qu’en eau peu conductrice, il devient nécessaire d’utiliser des puissances électriques plus importantes pour induire une taxie anodique équivalente et l’immobilisation de l’animal.
Ces connaissances sur la pêche à l’électricité et ses limites ont été produites essentiellement grâce à des recherches conduites en milieux tempérés et sur les poissons, ce qui a contribué à son développement en France métropolitaine notamment. En revanche, son efficacité a été très peu testée sur les crustacés. De plus, sa mise en œuvre souffre d’un retard dans les territoires ultramarins tropicaux, malgré des essais anciens et prometteurs (Lamarque et Gosset, 1977). En fait, la pêche à l’électricité se heurte à plusieurs difficultés qui rendent son utilisation plus complexe dans les eaux douces tropicales. D’une part, ces eaux peuvent être très faiblement minéralisées et la conductivité y atteint des niveaux extrêmement bas par endroit. D’autre part, les communautés de poissons et de crustacés y sont riches d’espèces aux morphologies et comportements variés qui sont autant de facteurs rendant incertaine la définition d’un courant électrique et donc d’une efficacité de pêche similaire pour l’ensemble des espèces ciblées.
Les écosystèmes aquatiques d'eau douce des territoires ultramarins français en zone intertropicale représentent un enjeu de gestion particulier. On y trouve des hot spots de biodiversité parmi les plus riches au monde, comme sur le bouclier des Guyanes en Amérique du Sud où le taux d'endémisme atteint des niveaux records pour la zone néo-tropicale (Abell et al., 2008). Les milieux insulaires tropicaux abritent des espèces de poissons et crustacés à fort enjeu de conservation avec notamment des espèces amphihalines sensibles dont le cycle de vie nécessite des migrations entre rivière et océan. Ainsi, la protection des écosystèmes aquatiques d'eau douce est un objectif essentiel dans les territoires français ultramarins tropicaux, pour lesquels il y a donc un besoin crucial d'outils opérationnels de surveillance de la biodiversité.
Pour répondre à ces objectifs, trois projets
– définir le type de courant électrique qui permet d’optimiser la capture des crustacés,
– valider l’efficacité des inventaires par pêche à l’électricité en petits cours d’eau tropicaux,
– minimiser les dommages corporels aux animaux.
Définir le type de courant électrique pour la capture des crustacés
Contrairement aux poissons, il existe très peu d’études sur l’efficacité de la pêche à l’électricité pour capturer les crustacés qu’il s’agisse de crevettes ou de crabes. Certaines observations mettent en avant des réactions de type taxie anodique chez les crustacés en présence de courant continu de faible tension, ou d’un courant pulsé à très basse fréquence. Cependant, comparer les efficacités d’attraction de plusieurs types de courant (continu ou pulsé de différentes fréquences, sous différentes tensions) n’est pas chose triviale qu’il s’agisse de crustacés ou de poissons. L’électricité qui se propage dans l’eau décroit à mesure que l’on s’éloigne de l’électrode, n’électrifiant ainsi qu’une zone restreinte autour de chaque électrode. Quel que soit le type de courant, le volume de cette zone autour de l’anode est fonction de plusieurs paramètres dont la tension délivrée à l’électrode et la conductivité de l’eau. Il faut donc pouvoir standardiser les conditions de champ électrique dans l’eau pour pouvoir étudier correctement la taxie anodique des crustacés.
Pour y parvenir, nous avons retenu le calcul de la densité de puissance (en µW.cm-3) tel que proposé par Kolz (1989). Ce calcul simple s'obtient à partir des mesures du gradient de tension autour de l'anode, à l'aide d'un oscilloscope, et de la conductivité ambiante de l'eau (Pottier et al., 2022a). Il permet d'ajuster la tension délivrée à l'anode pour obtenir la densité de puissance standardisée pour comparaison. Ainsi, nous avons étudié la taxie anodique chez les crustacés en les plaçant dans un petit aquarium rectangulaire muni de deux électrodes rectangulaires à chaque extrémité. Ce dispositif a permis de recréer un champ électrique homogène aux caractéristiques suivantes : courant continu ou courant pulsé crénelé à 2, 5 ou 40 Hz, à densité de puissance basse (30 µW.cm-3) ou élevée (80 µW.cm-3).
Cinq espèces de crustacés de différentes familles (deux Atyidae, deux Palaemonidae et un Xiphocarididae), de taille variable (de 11 à 91 mm du rostre au telson) ont été étudiées. Il est tout d’abord montré que les réglages en densité de puissance faible entrainent une meilleure taxie anodique que les réglages en densité de puissance forte (figure 1). À forte puissance en effet, seul le courant pulsé à très basse fréquence offre une probabilité de taxie anodique proche de 50 % en moyenne dans nos tests. En revanche, on obtient des meilleurs résultats de taxie anodique avec un courant continu de faible puissance (figure 1), ce qui plébiscite ce réglage pour la pêche des crustacés à l’électricité. Cette conclusion obtenue en milieu expérimental tranche avec l’idée souvent admise, parmi la communauté des utilisateurs de la pêche à l’électricité, qu’une forte puissance serait plus efficace pour capturer les animaux.
Figure 1 – Probabilité d’observer une taxie anodique chez plusieurs espèces de crustacés des Antilles, en fonction de la densité de puissance et du type de courant délivré dans l’eau.
Les lettres différentes indiquent une différence significative (test post-hoc de Tukey, pvalue < 0,05).
Valider l’efficacité de la pêche à l’électricité en petits cours d’eau tropicaux
La faible conductivité de certains cours d'eau tropicaux, en Guyane notamment implique de compenser la résistance imposée par l'eau en délivrant une plus forte tension aux électrodes. Or, il s'avère que les appareils utilisés jusqu'à présent ne sont pas assez puissants pour le faire (Pottier et al., 2020a). Un prototype d'engin de pêche plus puissant et permettant les réglages souhaités a été commandé et spécialement fabriqué par une entreprise française pour répondre aux besoins pour nos tests. Il a été utilisé sur 27 rivières guyanaises ayant des conductivités basses à très basses (jusqu'à 16 µS.cm-1) pour vérifier l'efficacité de la pêche à l'électricité sous ces conditions. Sur chaque rivière, des secteurs ont été délimités par la pose de filets empêchant toute entrée ou sortie de poissons pendant les inventaires. Sur chaque secteur ainsi clos, trois passages de pêche successifs avec capture des poissons sans remise à l'eau ont été réalisés d'aval en amont, afin d'estimer les abondances des différentes espèces en place avec un modèle d'épuisement (Carle et Strub, 1978).
Au total, 5 800 poissons appartenant à 93 espèces différentes ont été capturés à l’électricité, en utilisant un courant continu réglé à une forte densité de puissance (190 µW.cm-3 à 50 cm de l’anode en moyenne). Les poissons non capturés dans les secteurs d’étude ont ensuite été comptés après empoisonnement de chaque secteur avec un biocide ciblant les poissons (la roténone). Ceci a permis de calculer l’efficacité réelle de la pêche à l’électricité. Ainsi, nous avons montré qu’à la fin du troisième passage de pêche, près de 95 % des espèces est capturé en moyenne, ce qui représente environ 90 % de l’abondance totale des poissons présents sur les secteurs d’étude (figure 2).
Figure 2 – Pourcentage d’espèces (richesse spécifique) et d’abondances cumulées de poissons des petits cours d’eau de Guyane, au cours des passages successifs de pêche à l’électricité (enlèvements) par rapport à la communauté en place.
Des tests ont également été réalisés sur 9 rivières antillaises où cohabitent des communautés diversifiées de crustacés et de poissons. Cette fois-ci, nous avons utilisé le courant continu à faible densité de puissance (30 µW.cm-3 à 50 cm de l’anode), suivant les résultats obtenus précédemment en milieux contrôlés pour les crustacés. À cette puissance cependant, il n’était pas certain que les inventaires soient efficaces pour les poissons. Nous avons procédé de la même manière par pêche à l’électricité avec enlèvements successifs sans remise à l’eau en secteurs clos par des filets. En revanche, l’utilisation d’un biocide a été remplacée par une vérification manuelle scrupuleuse du substrat et de la végétation aquatique susceptibles d’abriter des animaux. Plus de 10 000 crustacés de 10 espèces différentes et plus de 1 600 poissons de 8 espèces différentes ont ainsi été manipulés.
Pour poissons et crustacés, les résultats montrent que toutes les espèces présentes sur les secteurs sont détectées à l’issue des trois passages de pêche à l’électricité. De plus, les densités estimées par le modèle d’épuisement sont très fortement corrélées aux densités totales observées après les opérations de vérification (figure 3a). Ce résultat vaut pour les crustacés et pour les poissons, ce qui montre l’intérêt d’utiliser le courant continu de faible densité de puissance pour la pêche à l’électricité en communauté mixte. Ce résultat est surprenant, il permet de relancer la réflexion sur les réglages électriques à recommander pour une bonne efficacité sur les poissons ; des développements dans ce sens sont en cours dans le cadre d’une thèse qui commence sur le sujet dans l’équipe.
Les pêches à l’électricité par enlèvements successifs sont coûteuses et mobilisent un grand nombre de personnes sur le chantier de pêche. Pour ces raisons, elles sont souvent remplacées par des protocoles allégés de type échantillonnage ponctuel d’abondance (EPA). Dans ce cas, le secteur d’étude est sous-échantillonné, l’opérateur prospectant de manière discontinue avec son anode la surface et le volume disponible sur le secteur. Nous avons comparé EPA et pêche par enlèvements successifs sur 13 et 15 secteurs de cours d’eau clos par des filets, respectivement aux Antilles et en Guyane. Les résultats montrent que les indices d’abondance obtenus pour 30 points d’EPA sont fortement corrélés aux densités estimées par enlèvements successifs (figure 3b). Ainsi, la pêche à l’électricité est opérationnelle pour les inventaires classiques et les inventaires par EPA, sur poissons et crustacés en petits cours d’eau tropicaux, pourvu que les bons réglages électriques soient effectués.
Figure 3 – Relation entre les estimations de densités de poissons et crustacés par enlèvements successifs, et A) Les densités vérifiées sur secteurs clos sur des petits cours d’eau des Antilles ; B) Le nombre d’individus capturées pour 30 points d’échantillonnage ponctuel d’abondance (EPA) en Guyane et aux Antilles.
Minimiser les dommages corporels aux animaux
Les opérations de pêche à l'électricité peuvent impacter les animaux, notamment les vertébrés comme les poissons peuvent y être sensibles. Cette considération parait centrale en milieu tropical, où les communautés fortement diversifiées hébergent des espèces bénéficiant d'un statut de protection fort, et parmi lesquelles certaines peuvent être particulièrement sensibles à l'électricité. D'une manière générale, l'utilisation de courant continu doit être privilégiée car il entraine une mortalité moindre que le courant pulsé (Snyder, 2003), en particulier lorsque l'appareil de pêche est réglé sur des fortes fréquences (Pottier et al., 2020b). Durant nos pêches à l'électricité, nous avons manipulé plus de 7 000 poissons d'une centaine d'espèces différentes. Nous avons enregistré des mortalités très faibles, estimées à 1,8 % de mortalité en Guyane (courant continu, forte densité de puissance), contre 0,2 % aux Antilles (courant continu, faible densité de puissance). Cela suggère que l'utilisation des faibles densités de puissance en courant continu pourrait réduire encore la mortalité directe lors des pêches à l'électricité. Cet axe doit être privilégié pour les recherches à venir sur le sujet.
Si la mortalité directe reste faible dans les études qui la mentionnent, le passage du poisson dans le champ électrique engendre également des dommages corporels non létaux qui restent assez mal considérés. Dans notre étude aux Antilles, nous avons utilisé un échographe de terrain (Nevoux et al., 2021) pour vérifier l'alignement vertébral des poissons capturés à l'électricité qui représente l'un des traumas les plus observés en pêche à l'électricité (Pottier et al., 2020b). Sur plus de 700 poissons échographiés, un problème vertébral est détecté dans 1 % des cas (Pottier et al., 2022b). Cependant, une seule espèce sur les huit étudiées, appartenant au genre Eleotris, a été touchée. Pour cette espèce (Eleotris perniger) particulièrement, le taux de dommage vertébral s'élève à plus de 4 %, signalant une sensibilité particulière à l'électricité.
Chez une autre espèce appartenant au même genre (Eleotris klunzinguerï) à La Réunion, nous avons pu constater par échographie les effets particulièrement traumatisants du courant pulsé sur l’alignement vertébral (figure 4). Pourtant utilisé en routine, le courant pulsé est à proscrire des inventaires par pêche à l’électricité sur les stations où des Eleotris sont présents et un courant continu de faible puissance est recommandé. Au-delà de cet exemple, il parait central de considérer, lors de la planification d’une opération de pêche, la possible présence d’espèces fragiles face à l’électricité. Force est de constater que les connaissances dans le domaine sont actuellement trop partielles et doivent maintenant être renforcées.
Figure 4 – Photographies issues d’échographie de colonne vertébrale de Cabot noir (Eleotris klunzinguerï) de La Réunion, après capture à l’électricité en courant pulsé (60 Hz) ou en courant continu, révélant des tensions musculaires (flèches jaunes), torsion cervicale et désalignement vertébral (flèches oranges).
Conclusion
Nos travaux sur la pêche à l’électricité apportent plusieurs conclusions utiles pour la conduite des inventaires de biodiversité dans les petits cours d’eau tropicaux peu profonds. Tout d’abord, il est possible de pêcher efficacement les crustacés à l’électricité, en appliquant un courant continu de basse densité de puissance dans l’eau. De plus, nous montrons pour la première fois qu’il est possible de pêcher, avec un même réglage électrique, des crustacés et des poissons lors du même inventaire. Ce résultat est important pour les cas des départements d’outremer tropicaux insulaires où ces communautés mixtes poissons-crustacés sont courantes. De plus, nous montrons que si les réglages des appareils de pêche sont adéquats, la pêche à l’électricité génère des inventaires d’espèces représentatifs des communautés en place, ceci même dans les cas de sites hébergeant des richesses spécifiques élevées et des communautés mixtes poissons et crustacés. Qu’il s’agisse d’inventaires ponctuels d’abondance (EPA) ou d’inventaires complets par enlèvements successifs, la composition et l’abondance de poissons et crustacés obtenues sont corrélées aux densités en place sur les stations. Un bon réglage de l’appareil de pêche est donc profitable aux deux types d’inventaires, complet ou ponctuel. Dans ce type de cours d’eau tropicaux peu profonds abritant des communautés mixtes de poissons et crustacés, nous préconisons d’utiliser un courant continu de basse densité de puissance (30 µW.cm-3 à 50 cm de l’anode). Enfin, notre étude rapporte des taux très bas de mortalité directe et de dommages vertébraux aux poissons lors des opérations de pêche à l’électricité en courant continu de basse densité de puissance. Toutefois, la présence possible d’espèces fragiles face à l’électricité requière une attention particulière, telle qu’identifiée pour deux espèces du genre Eleotris. L’utilisation d’un échographe portatif peut permettre, si un cas douteux est rencontré sur le terrain, de vérifier l’absence de danger pour la survie des individus.
Si nos travaux amènent des avancées opérationnelles pour les utilisateurs de la pêche à l'électricité, ils soulignent aussi un défaut actuel de métrologie sur les chantiers d'inventaire de biodiversité s'appuyant sur cet outil. En effet, la propriété du champ électrique autour de l'anode est rarement vérifiée. Les opérateurs peuvent se référer au guide paru dans la collection « Guides et Protocoles » de l'OFB (Pottier et al., 2022a), pour standardiser leurs réglages, garantir la qualité des données produites et pour comparer des inventaires réalisés sur des sites différents et par des équipes de pêche différentes. Pour cela, nous proposons que la densité de puissance soit systématiquement ajustée sur chaque site avant la pêche. En ce sens, des travaux à venir viseront à proposer une procédure simple permettant à l'utilisateur de mesurer la densité de puissance sur le terrain. Une telle procédure devrait être inscrite, à terme, dans le modus operandi des bonnes pratiques de pêche à l'électricité en eau douce. Il conviendra aussi d'étendre l'étude des effets de la densité de puissance sur la taxie anodique chez les poissons, ce qui permettra de proposer aux utilisateurs le meilleur réglage pour répondre aux objectifs attendus des inventaires qu'ils programment.
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Photographie d’entête : © INRAE
Notes
- Pêche à l’électricité en eaux à conductivité extrêmement basse (partenariat OFB-INRAE) ; TAC-Réunion, fonctionnement des populations de truite arc-en-ciel et impacts sur les écosystèmes de La Réunion (partenariat OFB-INRAE) ; PAPE, protocole antillais de pêche à l’électricité (Appel à manifestation d’intérêt OFB « Développements en matière de surveillance et d’évaluation DCE de l’état des eaux et des milieux aquatiques », HYDRECO Guyane-INRAE).
- DECOD : unité mixte de recherche (UMR) « Dynamique et durabilité des écosystèmes : de la source à l’océan » ; U3E : unité expérimentale d'écologie et d'écotoxicologie aquatique.
Références
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- Vibert, R., Cuinat, R. (1961). Possibilités actuelles de la pêche électrique en France. Bulletin Français de Pêche et de Pisciculture, 200, 89-98.
Résumé
La pêche à l’électricité est une méthode classiquement utilisée pour les inventaires de biodiversité des poissons et crustacés dans le cadre de la surveillance réglementaire de l’état écologique des cours d’eau. Elle pose un certain nombre de difficultés en territoires ultramarins tropicaux, de par certaines spécificités physiques (conductivité de l’eau basse à très basse) et écologiques (communautés mixtes de poissons et de crustacés, biodiversité forte à très forte) qui les caractérisent. Issues du partenariat OFB-INRAE, les recherches menées en collaboration avec l’entreprise HYDRECO-Guyane ont permis de définir des conditions spécifiques d’application de la pêche à l’électricité pour les petits cours d’eau (< 6 mètres de large) tropicaux. Grâce à des essais au laboratoire et in situ, en Guyane, aux Antilles et à La Réunion, nous avons identifié les réglages électriques les plus efficaces pour la capture, l’estimation de la richesse spécifique et de l’abondance des espèces et le respect de la santé animale. Ces recherches se placent dans l’objectif plus large d’améliorer la qualité des données bancarisées pour le suivi environnemental des masses d’eau. Elles donnent lieu à des recommandations pour la maitrise d’œuvre et la maitrise d’ouvrage de la pêche à l’électricité en petits cours d’eau tropicaux.
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