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Accompagner le monde agricole dans la préservation des messicoles : bilan de trois années d’inventaire et de sensibilisation en Poitou-Charentes

Chapeau

Face au constat global d’une régression constante des messicoles, plantes sauvages des espaces cultivés, et dans la continuité d’un premier programme réalisé en Poitou-Charentes entre 2005 et 2009, plusieurs associations de protection de l’environnement se sont mobilisées pour mener un programme à l’échelle de l’ex-région, en partenariat avec le Conservatoire botanique national Sud-Atlantique. Que sont devenues les messicoles recensées dix ans plus tard ? Comment préserver les stations à fort enjeu sur des parcelles agricoles ? Cet article présente la démarche d’accompagnement accomplie par les différentes associations et les résultats obtenus à la suite de trois années d’actions d’inventaire, de sensibilisation et de conservation.

Le premier inventaire des messicoles en Poitou-Charentes (2005-2009)

En 1987, lors du colloque de Brest sur les plantes sauvages menacées en France, Yves Baron (grand contributeur pour la connaissance floristique de Poitou-Charentes) fait constat de la raréfaction des messicoles en Poitou-Charentes en listant les différentes causes responsables de ce phénomène : le tri des semences, l’impact néfaste des herbicides ou encore le travail profond du sol.

En 2005, conscient de l'impact de l'agriculture intensive sur les plantes sauvages, Poitou-Charentes Nature (PCN) lance le programme Messicoles en Poitou-Charentes afin d'évaluer l'état de conservation de ces espèces sur son territoire. Cet inventaire est mené par les différentes associations de protection de la nature du Poitou-Charentes, Vienne Nature, Deux-Sèvres Nature Environnement, Nature Environnement 17 et Charente Nature. Plusieurs structures locales ont aussi contribué au programme comme le Conservatoire régional d'espaces naturels du Poitou-Charentes (devenu le Conservatoire d'espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine), le Conservatoire botanique national Sud-Atlantique (CBNSA) et la Société botanique du Centre-Ouest. Après quatre années d'inventaire, une liste de cent-onze espèces messicoles est établie à partir de la liste issue du Plan national d'action (Aboucaya et al., 2000) complétée par des taxons répondant à une définition unanimement approuvée :

« Une plante messicole est une plante dont l’essentiel de la répartition se situe dans les champs ou territoires cultivés : champs, vignes (cultivées ou abandonnées), mais aussi jachères, bords de route… ».

Financé par le conseil régional Poitou-Charentes, la DREAL1 Poitou-Charentes ainsi que l’Union européenne (FEDER2), ce programme a permis de réunir plus de 3 700 données, fruits de plusieurs années de prospections de terrain et de recherches bibliographiques. À l’issue du programme, un cahier technique « Les plantes messicoles du Poitou-Charentes inventaire 2005-2009 » recense l’ensemble des espèces de messicoles patrimoniales rencontrées (Poitou-Charentes Nature, 2010). Il s’agit d’un ouvrage complet où chaque espèce est présentée par une fiche accompagnée d’une carte de répartition nationale et régionale, une synthèse sur l’écologie de l’espèce, des données bibliographiques et les différents statuts régionaux et nationaux qui lui sont associés.

Dix ans plus tard, un second programme d’inventaire et de sensibilisation

En 2018, le programme Messicoles en Poitou-Charentes est dépoussiéré et relancé sur trois ans (2018, 2020 et 2021). Avec une solide connaissance du territoire, Poitou-Charentes Nature, ses associations adhérentes et les partenaires initiaux reprennent le flambeau avec, cette fois-ci, des objectifs différents. L’actualisation des connaissances sur les populations d’espèces messicoles en Poitou-Charentes constitue alors l’objectif premier auquel s’ajoutent deux volets : la mise en place d’actions de conservation en partenariat avec les structures agricoles et les exploitants ainsi que des actions de sensibilisation (formation et communication).

En partenariat avec le CBNSA, la stratégie d’échantillonnage du second programme est élaborée à différents niveaux : un inventaire protocolé à la maille (échelle 5 km sur 5 km), un recensement aléatoire orienté par l’expertise des botanistes de terrain et des observations des bénévoles associatifs, et enfin un bilan stationnel de parcelles cibles obtenu par la compilation de données anciennes de localisation d’espèces d’intérêt patrimonial (espèces possédant un statut « liste rouge »). Le plan d’échantillonnage se réalise soit par relevé ponctuel, soit par relevé floristique réalisé sur un transect de 40 mètres minimum en bordure de champ, y compris les zones délaissées (inaccessibles par les engins agricoles, souvent dans les coins de champs).

Avec des moyens numériques plus avancés et un système de communication plus important, 31 881 données pour 2 532 relevés réalisés et 875 espèces recensées sont collectées (toutes espèces confondues), permettant une actualisation importante de l'état des connaissances. Basée sur la liste des messicoles du Poitou-Charentes établie par le CBNSA en 2018 (Vial et al., 2018), 54 espèces considérées messicoles strictes sont recensées avec 5 340 données. Plus de 80 % des messicoles listées lors du premier programme sont retrouvées ces dernières années, les 20 % restants correspondant à des espèces considérées comme disparues.

Le Poitou-Charentes présente une forte responsabilité vis-à-vis de la conservation de ces espèces, avec la présence sur son territoire d'une espèce protégée en France (selon l'arrêté du 20 janvier 1982), la Nigelle de France Nigella hispanica var. hispanica, 41 taxons recensés présents sur la liste des messicoles de France (Cambecedès et al., 2012), cinq messicoles inscrites sur la liste rouge nationale (UICN, 2018), 26 sur la liste rouge régionale (CBNSA, 2018), et enfin, 28 espèces inscrites sur la liste des espèces déterminantes pour la création de zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique ou ZNIEFF (CBNSA, 2019).

En complément de ces inventaires, une volonté commune de mettre en valeur des parcelles hébergeant des espèces à fort enjeu se concrétise. Une méthodologie de définition de parcelles considérées comme « prioritaires » est élaborée en 2020. Elles sont définies comme telles par un calcul où la richesse spécifique (résultante des relevés floristiques réalisés en 2018 et 2020) et le statut des espèces observées (liste rouge du Poitou-Charentes, CBNSA, 2018) sont pris en compte. Par la mise en place de cet algorithme, environ 200 parcelles « prioritaires » sont suivies à l'échelle du Poitou-Charentes par les différentes associations départementales. L'analyse des suivis faits au printemps 2021 et 2022 dévoile une régression forte des espèces qui ne sont pas retrouvées l'année suivante, influencée par les pratiques culturales (type de culture, réalisation de labour profond, ajout d'intrants…) plus ou moins favorables au développement des plantes messicoles d'une année sur l'autre.

Tableau 1 – Synthèse des parcelles prioritaires recensées en 2020 et 2021.


Parcelles prioritaires évaluées en 2020 (relevés 2018)

Messicoles présentes en 2020 sur les parcelles visitées

Parcelles prioritaires évaluées en 2021 (relevés 2020)

Messicoles présentes en 2021 sur les parcelles visitées

135

106

75

58

Communication à grande échelle et sensibilisation du monde agricole

Le second objectif du programme repose sur la sensibilisation du grand public, et en particulier du monde agricole sur l’importance de la conservation des messicoles. Des formations de reconnaissance des espèces auprès des bénévoles des associations départementales ont permis de récolter de nombreuses données. Des outils de communication ont été créés avec notamment la parution d’une plaquette reprenant les causes de régression des messicoles et les pratiques favorables à leur maintien, diffusée dans les collectivités et lors des animations grand public. Un guide de reconnaissance des messicoles du Poitou-Charentes a été édité afin de faciliter la détermination d’espèces à enjeu et favoriser la recherche sur des secteurs sous-prospectés. Si l’épidémie de COVID-19 a sensiblement impacté le volet communication du programme, limitant les possibilités d’échanger avec les structures agricoles et notamment les lycées agricoles, les nombreuses publications Facebook, vidéos explicatives, articles dans la presse locale et plusieurs passages à la radio ont été particulièrement porteurs pour la valorisation du programme et la sensibilisation du public.

La prise de contact auprès des différents partenaires comme le CBNSA, le Centre national de la recherche scientifique de Chizé, le Conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine (CEN NA), le département de Charente-Maritime a permis la mise en place de parcelles dites « conservatoires » où des récoltes de graines, dans un but de conservation, pourront être réalisées. Des actions d’ensemencement sont aussi mises en place sur des propriétés de collectivités, du CEN NA, des exploitants ou encore de particuliers. Afin de valoriser les efforts fournis et de sensibiliser les locaux, des panneaux de sensibilisation sont installés sur les parcelles où les messicoles sont préservées par un changement de pratiques ou d’ensemencement (figure 1). Néanmoins, nombreux sont ceux qui déclinent l’installation des panneaux afin de rester « discrets » et « anonymes » pour des raisons sociales et sociétales.

Figure 1 – Panneau installé en bordure des parcelles d’agriculteurs volontaires pour ajuster leurs pratiques en faveurs des messicoles.

Dans l’objectif d’informer et de sensibiliser les exploitants agricoles, des diagnostics (inventaire des espèces végétales) sont réalisés. Cette démarche permet de créer un premier lien de sensibilisation en complément des prises de contact réalisées sur le terrain. La présence d’espèces d’intérêt patrimonial constitue souvent un argument favorable et peut influencer la motivation à adapter leurs pratiques culturales. Plus de cent-soixante-dix exploitants sont ainsi contactés au cours du programme, avec la rédaction de plus de trente diagnostics (accompagnés de propositions de gestion).

Au final, en proportion du total de parcelles visitées et d’exploitants sensibilisés, un nombre limité d’agriculteurs est volontaire pour adapter leurs pratiques. Les formations réalisées au sein de structures agricoles comme le Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM) le Mouvement des agriculteurs biologiques en Charente (MAB16), les lycées agricoles locaux ou la Chambre d’agriculture mettent en évidence les difficultés des exploitants à changer leurs pratiques. Le regard vis-à-vis des autres exploitants, les contraintes techniques et financières, les demandes des coopératives et des supermarchés, les pratiques adéquates trop chronophages/complexes à mettre en œuvre ne constituent qu’une partie des réponses apportées. Cependant, sans la volonté des agriculteurs à préserver ces espèces, ces dernières sont vouées à disparaitre au regard des politiques de rendement toujours plus exigeantes et du manque d’accompagnement vers des agricultures plus vertueuses pour l’environnement.

Tableau 2 – Nombre de parcelles évaluées au cours du programme où le propriétaire a été contacté et sensibilisé aux enjeux messicoles.


Parcelles avec prise de contact

Propriétaires sensibilisés

Propriétaires sensibilisés et intéressés

Changements de pratiques réalisés

Exploitants sans parcelles prioritaires

119

51

39

11

Exploitants avec parcelles prioritaires

51

51

29

7

Réseau de parcelles conservatoires

Le suivi des parcelles « prioritaires » est moteur pour le programme et contribue à orienter les prospections de terrain sur des sites plus stratégiques. Sur l’ensemble des exploitants contactés, un tiers correspond à des propriétaires de parcelles prioritaires (51 exploitants). Sur l’ensemble de ces exploitants, plus de 50 % se sont montrés intéressés mais seulement 13 % ont changé leurs pratiques.

Afin de mieux comprendre les paramètres favorables au maintien des messicoles sur site, un questionnaire est complété avec l'exploitant basé sur les recherches de SupAgro (Juillard-Goller et al., 2012). Ce questionnaire reprend l'ensemble des pratiques réalisées sur la parcelle avec présence ou non de messicoles. L'objectif final est d'établir un retour d'expériences des différents types d'exploitations rencontrés. La variété des exploitants interrogés est homogène avec les deux grands types d'agriculture, biologique et conventionnelle, représentées conjointement à 50 %. La comparaison de ces deux dernières montre (non statistiquement) que les relevés floristiques présentent un nombre de messicoles strictes plus important en agriculture biologique qu'en conventionnelle. Les parcelles présentant la plus grande diversité de messicoles sont celles qui ne sont pas fertilisées, avec un labour peu profond, des semences autoproduites et une rotation de culture comprenant un semis de blé. En effet, sur l'ensemble des questionnaires, plus de 34 % des agriculteurs ne réalisent pas de fertilisation en azote (27 % oui et 38 % inconnu), 53 % en phosphore (8 % oui et 38 % inconnu) et 51 % en potassium (10 % oui et 38 % inconnu). Plus de 27 % des agriculteurs réalisent un labour entre 10 et 15 cm de profondeur et 12 % n'effectuent pas de labour, plus de 20 % des exploitants utilisent des semences autoproduites et la rotation de culture comprend au moins une culture de blé à l'année n ou n-1 pour 80 % des parcelles évaluées.

La majorité des questionnaires retournés est issue d’exploitants déjà sensibilisés ou convaincus par la démarche de préservation des messicoles. Une discussion est actuellement en cours pour intégrer les exploitants qui ont choisi d’adapter leurs pratiques au futur réseau de parcelles conservatoires initié par le CBNSA.

Actions et résultats par département

En Charente-Maritime, Emmanuel Marchand, gérant de la Ferme du Mont d’Or, sur la commune du Thou, possède deux espèces ciblées par le programme : La Petite Spéculaire Legousia hybrida classée vulnérable et le Buplèvre à feuilles ovales Bupleurum subovatum classées en danger sur la liste rouge du Poitou-Charentes. Les pratiques agricoles de cette exploitation convertie en agriculture biologique en 2013 (faible densité de semis, travail du sol peu profond et absence d’intrants au profit du désherbage mécanique) sont favorables à ces espèces. Une autre parcelle, située à Saint Sulpice d'Arnoult, a été semée avec uniquement des messicoles (15 espèces semées à l’automne) afin de constituer une parcelle conservatoire pour ces espèces. À proximité, des parcelles cultivées en céréaliculture bio de Victorien Soulice, paysan-boulanger sur la commune de Geay, accueillent jusqu’à 150 espèces végétales certaines années, dont de nombreuses messicoles rares et menacées. Monsieur Soulice œuvre, dans la continuité de son père, pour la promotion de la culture du Petit Épeautre, céréale ancienne à faible teneur en gluten, bien adaptée aux sols pauvres et arides, qu’il transforme en farine utilisée en boulangerie. Il a fourni un lot de graines de Nielle des blés (mêlées à du Petit Épeautre concassé) qui a été ensemencé sur le site de Saint Sulpice d’Arnoult.

En Vienne une dizaine d’agriculteurs a participé au programme Messicoles. C’est le cas d’Antoine Rat, agriculteur biologique sur la commune de Neuville-de-Poitou. Sur son exploitation, Antoine Rat possède plus de 15 espèces de messicoles différentes dont de grosses populations de Miroir de Vénus Legousia speculum-veneris et quelques espèces à forts enjeux en région Poitou-Charentes comme le Gaillet à trois cornes Galium tricornutum ou le Bifora radiant Bifora radians. Dans le département, l’agriculture biologique semble bien plus favorable au développement des messicoles d’intérêt patrimonial. L’agriculteur bio, déjà investi dans d’autres programmes environnementaux (oiseaux de plaine, plantation de haies), témoigne :

« J'ai redécouvert les plantes messicoles au moment de ma conversion en Agriculture Biologique en 2016 sans en connaitre les noms pour la plupart, grâce à l'arrêt des désherbants chimiques. Le programme Messicoles m'a permis de croire, malgré les agressions répétées faites au sol et à l'environnement, que des graines sont là à attendre une accalmie pour enfin pouvoir germer. C'est très enrichissant de faire ce constat et même si en agriculture biologique nous n'utilisons plus de pesticides, nous pouvons grâce à ce programme améliorer nos pratiques pour préserver cette flore sans nuire à la culture et prendre conscience qu'il n'y a pas que des « adventices » dans nos champs. Aujourd'hui j'ai été très content d'être associé à ce programme, et je peux dire qu'il m'a fait réfléchir pour parfaire mes méthodes de production en respectant les plantes messicoles ».

Une parcelle en agriculture conventionnelle, sur la commune de Magné, a été ensemencée avec six espèces de plantes messicoles différentes (achetées à Semence Nature) et, comme en Charente-Maritime, seule le Nielle des blés a été observée pour l’heure.

En Charente, sur plusieurs parcelles prioritaires, les propriétaires n’ont pas souhaité intégrer le programme. Une dizaine d’agriculteurs ont accepté de s’investir et ont reçu un lot de graines à semer sur des parcelles favorables. La majorité des agriculteurs sont en agriculture biologique et ont adapté leurs pratiques en bordure de leurs parcelles où ont été semées les graines. Guillaume Gingembre, agriculteur en bio, est enthousiaste du résultat qui s’est révélé être un franc succès, avec la germination de nombreuses espèces comme la Nielle des Blés Agrostemma githago, le Bleuet Cyanus segetum ou encore l’Ammi élevé Ammi majus (photo 1). L’agriculteur propose de poursuivre le partenariat en proposant de nouvelles parcelles conservatoires. Afin d’observer l’évolution de l’implantation de ces graines, les parcelles seront suivies à l’avenir en accord avec les propriétaires des parcelles. Les sorties sur les messicoles ont permis de sensibiliser un certain nombre de professionnels dont notamment une structure agricole, le Mouvement des agriculteurs biologiques en Charente, qui souhaiterait poursuivre le programme à l’avenir.

Photo 1 – Parcelle semée de Guillaume Gingembre en Charente.

© Céline Pagot (Charente Nature).

En Deux-Sèvres, les agriculteurs sensibilisés sont nombreux (20) tout comme les collectivités dont une particulièrement investie dans le programme. Sur la commune de Saint-Martin-de-Mâcon, la Fumeterre à fleurs serrées Fumaria densiflora est découverte au sein d’un cimetière. La fleur, présente sur liste rouge régionale et déterminante ZNIEFF, captive les élus locaux et représente une fierté communale. Ailleurs, les messicoles sont souvent découvertes là où les pratiques sont déjà optimales pour ces espèces (Coulon, Chizé...). Chez plusieurs agriculteurs, l’absence de compensation financière (MAEC3) pour les ajustements de gestion proposés est un motif de refus. Pour d’autres, c’est la crainte de voir proliférer des adventices qui motive le maintien de leurs pratiques actuelles. Sur la station de Nigelle de France Nigella gallica découverte lors de ce programme, l’agriculteur a accepté de changer ses pratiques annuellement, en partenariat avec Deux-Sèvres Nature Environnement et l’Office français pour la biodiversité ; le lien établi donne beaucoup d’espoirs pour la préservation à long terme de cette station de messicole hautement patrimoniale (photo 2).

Photo 2 – Nigelle de France, Nigella gallica.

© Fabrice Conort (Office français de la biodiversité).

Conclusion

Le programme Messicoles en Poitou-Charentes 2018-2021 se clôture avec une amélioration certaine des connaissances de la flore messicole. Aujourd’hui, les stations à plus forts enjeux sont identifiées et la prise de contact avec les exploitants de ces parcelles prioritaires se poursuit. Un travail important de sensibilisation et de formation a été mis en place en dépit de la crise COVID-19. Si la prise de contact des exploitants s’avère chronophage et fastidieuse, souvent mal perçue par les agriculteurs qui ne voient pas l’intérêt de préserver des « mauvaises herbes », l’investissement de chaque association et des bénévoles est positif, une vingtaine d’agriculteurs ayant choisi d’adapter leurs pratiques en fonction des messicoles présentes sur leurs sites.

Les orientations actuelles de la PAC rendent la préservation des messicoles difficile à mettre en place (a contrario des plantes patrimoniales inféodées aux milieux non cultivés dont la gestion peut plus facilement être orientée en leur faveur). Les stations d’espèces messicoles sont fluctuantes et dépendantes des modes de production et des variétés culturales utilisées. De plus, les financements alloués à la conservation in situ des messicoles sont très insuffisants. Par exemple, bien qu’il existe des plans nationaux d’action (PNA) successifs en faveur des messicoles, aucune MAEC n’a pu voir le jour malgré des demandes auprès de l’État par les pilotes de ces PNA... Les messicoles sont des espèces souvent considérées comme des adventices alors qu’elles ne représentent qu’une partie minime de la richesse en plante des champs. Certaines sont même perçues à tort comme invasives et sont combattues, au même titre que le Datura ou l’Ambroisie, impactant indirectement des espèces moins visibles et accélérant donc leur raréfaction à grande échelle. Les messicoles sont ainsi des « victimes collatérales » de la gestion des espèces dites adventices.

Un réseau de parcelles conservatoires est en cours d’inscription à l’échelle du Poitou-Charentes, sous l’impulsion du CBNSA et en lien avec le Conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine. Il permettra de valoriser les agriculteurs engagés tout en préservant certaines des dernières stations relictuelles d’espèces rares. Un long travail de sensibilisation reste toutefois encore nécessaire afin de montrer que les plantes messicoles font partie intégrante de notre patrimoine naturel, historique et culturel et que leur présence est essentielle dans nos paysages.

Pour aller plus loin

Site des messicoles du Poitou-Charentes :
http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/les-messicoles-2/

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Photo d’entête : © Céline Pagot (Charente Nature).

Notes

  • Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.
  • Fonds européen de développement régional.
  • Mesures agroenvironnementales et climatiques.

Références

  • Aboucaya, A., Jauzein, P., Vinciguerra, L., Virevaire, M. (2000). Plan national d’action pour la conservation des plantes messicoles. Rapport final. Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, Direction de la nature et des paysages, Paris, 45 p. + annexes.
  • Cambecedès, J., Largier, G., Lombard, A. (2012). Plan national d’actions en faveur des plantes messicoles. Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées. Fédération des Conservatoires botaniques nationaux, Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, 242 p, http://plantesmessicoles.fr/sites/default/files/PNA 20messicoles_texte.pdf
  • Juillard-Goller, C., Chardès, M. C., Milor, M., Pointereau, P., Fried, G., Cambecedès, J. (2012). Étude de la biodiversité des exploitations agricoles par la flore messicole. Ecodiag Ecological diversity in Agriculture, Leonardo Da Vinci transfert d’innovation. SUPAGRO, FLORAC, 45 p., https://biodiversite.educagri.fr/files/MessicolesEtudeDeLaBiodiversiteDesExplo_fichier2_2012_diagnosticecodiag_messicoles.pdf
  • Poitou-Charentes Nature, (éds) (2010). Les plantes messicoles du Poitou-Charentes – Inventaire 2005-2009. Cahiers techniques du Poitou-Charentes, Poitou-Charentes Nature, Fontaine-le-Comte, 188 p., http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/wp-content/uploads/2021/02/Cahier_technique_messicoles_2010.pdf
  • Vial, T., Chammard, E., Mechineau, A. (2018). Liste des plantes messicoles de Poitou-Charentes, Méthodologie, liste et bilan stationnel. Conservatoire Botanique National Sud-Atlantique, 29 p. + annexes, https://obv-na.fr/ofsa/images/Actualites/11599/docs/466.pdf

Résumé

Les messicoles, plantes sauvages des espaces cultivés, sont souvent considérées comme des adventices indésirables par le monde agricole. Ce constat, ainsi que l’intensification des modes de production, ont conduit à une régression généralisée de ces espèces. En Poitou-Charentes, des actions d’inventaire et de conservation des messicoles ont été menées pendant trois ans, accompagnées par une sensibilisation des acteurs du monde agricole à l’importance de leur préservation. Financé par la DREAL Nouvelle-Aquitaine, la région Nouvelle-Aquitaine et une partie en autofinancement, le programme associatif Messicoles en Poitou-Charentes, successeur d’un premier programme similaire réalisé entre 2005 et 2009, se décline en trois volets : inventaire des messicoles à l’échelle de l’ex-région, communication avec outils pédagogiques et actions de conservation en partenariat avec le monde agricole et les gestionnaires d’espaces naturels. Les associations Charente Nature, Deux-Sèvres Nature Environnement, Nature Environnement 17, Vienne Nature et la Ligue pour la protection des oiseaux ont ainsi travaillé conjointement dans la préservation des messicoles en sensibilisant les exploitants et les propriétaires de parcelles hébergeant des espèces à fort enjeu.

Auteurs


Céline PAGOT

c.pagot.cn@gmail.com

Affiliation : Charente Nature, impasse Georges Lautrette, 16000 Angoulême

Pays : France


David SUAREZ

Affiliation : Charente Nature, impasse Georges Lautrette, 16000 Angoulême

Pays : France


Éric BRUGEL

Affiliation : Ligue pour la protection des oiseaux, 21 rue de Vaugouin, 17000 La Rochelle

Pays : France


Sarah BÉGOIN

Affiliation : Vienne Nature,14 rue Jean Moulin, 86240 Fontaine-le-Comte

Pays : France


Jasmin DUCRY

Affiliation : Vienne Nature,14 rue Jean Moulin, 86240 Fontaine-le-Comte

Pays : France


Stéphane BARBIER

Affiliation : Deux-Sèvres Nature Environnement, 48 rue Rouget de Lisle, 79000 Niort

Pays : France


Sylvain BIMONT

Affiliation : Nature Environnement 17, 2 avenue Saint-Pierre, 17700 Surgères

Pays : France

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