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Prise en compte des réseaux écologiques par les entreprises grâce à la modélisation de la connectivité avec Graphab

Dans cet article, les auteurs présentent les aspects méthodologiques liés à la modélisation de la connectivité par la théorie des graphes (avec le logiciel Graphab), différents cas d’étude de son utilisation possible afin de mieux prendre en compte les réseaux écologiques sur les sites d’entreprises, ainsi que les recommandations et spécifications techniques à appliquer pour assurer leur succès.

Introduction

Enjeux de la modélisation des réseaux écologiques

La perte d'habitat est probablement la cause la plus importante de l'extinction des espèces dans la période récente. Cette perte résulte souvent, non seulement d’une diminution globale de la surface de l'habitat, mais aussi des discontinuités dans la distribution spatiale de l'habitat restant. Ainsi, la fragmentation désigne tout phénomène de morcellement de l'espace, susceptible d’empêcher les individus d’espèces de se déplacer ou de se disperser comme ils le pourraient en son absence. Les espèces sont différemment affectées par la fragmentation de leur habitat, selon leurs capacités adaptatives, leur degré de spécialisation ou de dépendance à certaines structures écopaysagères, leur capacité à se déplacer pour franchir des obstacles et leur biologie. D'un point de vue évolutif, l’isolement des populations peut être à l’origine de processus de spéciation à condition que l’effectif de la population isolée et l’étendue de son habitat soient suffisants pour permettre sa survie. Dans le cas contraire, le risque d’extinction locale d’une population augmente avec l’isolement. Par conséquent, la restauration de la connectivité dans les paysages fragmentés apparaît comme un moyen de réduire les conséquences néfastes du mitage des habitats naturels, en facilitant les flux d’espèces et de gènes entre les fragments d’habitats isolés, aussi couramment nommés taches d’habitat (Bennett, 2003). La question du maintien et de la restauration de continuités écologiques est ainsi devenue une préoccupation majeure et un objectif fort des politiques publiques pour préserver la biodiversité. En France, elle s’est traduite par la mise en place de la Trame verte et bleue (TVB) dès 2007 puis dans la loi Biodiversité de 2016. L’amélioration de la connectivité est également fortement recommandée pour l’adaptation au changement climatique en matière de gestion de la biodiversité. En effet, une meilleure connectivité permettrait à de nombreuses espèces de se déplacer pour conserver des conditions favorables à leur cycle de vie (Bergès et al., 2010).

Les outils de modélisation des réseaux écologiques permettent d’analyser la fragmentation à différentes échelles. Ceux utilisant la théorie des graphes offrent un bon compromis entre le nombre de données d’entrée nécessaires et la qualité du résultat obtenu (Papet et Vanpeene, 2020). Un graphe paysager représente de façon simplifiée l’espace de déplacement disponible pour une espèce sous forme de taches d’habitats favorables (nœuds du graphe) et de corridors (liens du graphe). La connectivité est étudiée en combinant des données sur la structure du paysage et sur la dispersion des espèces étudiées. Dans le cadre de cet article, nous avons retenu le logiciel Graphab v.2 (Foltête et al., 2012), développé au laboratoire ThéMA (Université de Franche-Comté-CNRS).

Encadré 1. Construction d’un graphe paysager.

La modélisation des réseaux écologiques, basée sur la théorie des graphes, suit plusieurs étapes (figure 1), dont chacune nécessite un certain nombre de choix méthodologiques (échelle spatiale, définition des nœuds et des liens du graphe, métriques de connectivité). Ces choix sont primordiaux pour la modélisation et conditionnent les résultats. Ils doivent donc être faits sur la base d’une connaissance de l’espèce cible, acquise notamment au travers d’une revue de la littérature dédiée. Ils dépendent de l’objectif de l’étude (planification territoriale, insertion de sites dans les trames, optimisation de projets d’aménagement anthropique ou de restauration écologique, compréhension des facteurs influençant les espèces présentes sur des sites industriels, etc.).

Figure 1. Les cinq étapes de la construction d'un graphe paysager (Papet et Vanpeene, 2020 ; d'après Girardet, 2013).

Prise en compte de la connectivité par les entreprises

Les sites anthropisés tels que des sites d’entreprises représentent une surface considérable avec de forts enjeux pour la préservation de la biodiversité. Les entreprises, gestionnaires de foncier sont donc concernées par la réduction de la fragmentation du paysage afin de limiter l’impact de leurs activités et usages sur les réseaux écologiques. Les actions visant à réduire cette fragmentation doivent être considérées aussi bien au niveau de la stratégie globale de l’entreprise qu’à l’échelle de ses sites, pour des raisons réglementaires ou dans un contexte de bonnes pratiques en faveur de la biodiversité. La prise en compte des continuités écologiques par les entreprises contribue aux stratégies d’aménagement, de gestion, voire de restauration en faveur de la biodiversité. Elle peut également alimenter la stratégie de connaissance, en apportant de nouvelles données sur les milieux naturels et les espèces. Une fois le principe accepté, il reste à prioriser les actions à mener ainsi que leur localisation en s’appuyant par exemple sur la modélisation des réseaux écologiques basée sur la théorie des graphes.

Des choix méthodologiques cruciaux

Choix des taxons

La modélisation de la connectivité peut être effectuée pour différents taxons : espèces représentatives des enjeux TVB (Sordello et al., 2013), patrimoniales ou non, ou bien groupes d’espèces fictives représentatives d’un ensemble d’espèces partageant un même type d’habitat et des caractéristiques biologiques similaires (notamment en termes de capacité de dispersion). La modélisation des réseaux écologiques nécessite par la suite d’attribuer des distances de dispersion aux espèces cibles.

Choix de l’échelle spatiale

L’échelle optimale pour la gestion de la connectivité des habitats dépend de l’objectif de l’étude et de la distance de dispersion des espèces visées. L’emboîtement et la complémentarité des différentes échelles est indispensable pour la préservation d’un maillage écologique cohérent. Ainsi, les trames locales sont fondamentales car elles assurent les besoins de connectivité à cette échelle tout en étant connectées avec les réseaux d’ordre supérieur, qui garantissent des déplacements sur de plus grandes distances (Amsallem et al., 2010). Une perturbation localisée peut aussi avoir un impact sur les voies de dispersion à large échelle. Les actions que les entreprises mènent sur leurs sites s’inscrivent donc dans ces différentes échelles spatiales.

Réalisation de la cartographie d’occupation du sol

La cartographie d’occupation du sol est l’étape préliminaire à la modélisation et constitue la base à partir de laquelle vont être déterminés les réseaux écologiques des espèces. Le niveau de précision de la cartographie doit être adapté à l’échelle d’étude et son objectif, tout en prenant en considération les temps de calculs nécessaires. Le choix des catégories d’occupation du sol est fondé sur les connaissances de l'écologie de l’espèce étudiée afin de tenir compte des différents éléments favorables (e.g. pairies et haies) et défavorables (e.g. urbain dense et routes) à ses déplacements. Le choix et l’ordre des couches de données cartographiques lors de leur assemblage est déterminant pour l’exploitabilité de la carte finale (Thierry et al., 2020).

Définition des nœuds du graphe paysager

Les nœuds d’un graphe paysager correspondent aux catégories d’occupation du sol considérées comme l’habitat préférentiel de l’espèce visée. Les habitats préférentiels représentent communément les habitats propices à la reproduction (Clauzel, 2017 ; Papet et Vanpeene, 2020). Un indicateur de la capacité des taches à accueillir une population est généralement attribué aux taches d’habitat. Par défaut, cette capacité est approximée par leur surface (Foltête et al., 2012), mais elle peut également prendre en compte la proximité avec d’autres milieux nécessaires à l’espèce pour la réalisation de son cycle de vie tels que les habitats de repos ou d’alimentation proches des zones de reproduction (voir l’approche multi-habitat récemment développée dans Graphab (v.3.0) ; Clauzel et al., 2023). Enfin, il est également possible de spécifier une taille minimum pour considérer une tache d’habitat comme un nœud du graphe en fonction du domaine vital des espèces cibles.

Définition des liens du graphe paysager

Plusieurs types de déplacements des espèces entre les habitats peuvent être modélisés selon l’espèce étudiée et les objectifs (mouvements quotidiens, migrations saisonnières ou dispersion). Les liens sont définis grâce à des distances euclidiennes ou des distances de moindre coût, selon si la matrice paysagère est considérée comme homogène ou hétérogène pour le déplacement des espèces. Dans ce dernier cas, une valeur de résistance est associée à chaque catégorie d’occupation du sol, représentant la difficulté de franchissement qu’elle représente pour l’espèce. L’estimation de la résistance du paysage englobe plusieurs processus écologiques (contraintes physiologiques, prédation, capacités locomotrices) qui définissent la connectivité entre les populations. Les valeurs sont souvent choisies sur la base de la littérature scientifique en écologie et des avis d'experts, mais peuvent parfois être évaluées grâce à des suivis ou des données génétiques. Il existe différentes échelles de valeurs numériques pour attribuer les coûts, et celle utilisant des valeurs de 1, 10, 100 et 1 000 (voire 10 000) est par exemple très utilisée dans la littérature et offre un bon compromis dans le contraste des résultats (e.g. Clauzel, 2017). L’habitat préférentiel et les autres catégories favorisant les déplacements ont une valeur de résistance minimale et les éléments les plus difficiles à traverser ont une valeur maximale. Enfin, le seuillage du graphe est une étape qui consiste à supprimer les liens dont la distance (euclidienne ou coûts cumulés) est supérieure aux capacités de dispersion des espèces cibles (Galpern et al., 2011).

Choix des métriques de connectivité

La dernière étape consiste à calculer des métriques de connectivité afin de caractériser quantitativement les propriétés des graphes. Ces métriques sont très nombreuses et calculables : (1) au niveau du graphe entier pour mesurer la connectivité globale du réseau écologique, (2) au niveau de ses composantes pour caractériser les propriétés d’agrégats de nœuds connexes, ou (3) au niveau local des nœuds et/ou liens pour mesurer leur position et importance au sein du réseau (figure 2 ; Foltête et al., 2012). Les métriques de connectivité peuvent être strictement topologiques et ne nécessiter aucun paramétrage, ou être pondérées et intégrer alors les distances inter-taches et la capacité des taches avec un paramétrage adapté à l’espèce considérée (Rayfield et al., 2011).

Figure 2. Les différentes échelles de calcul des métriques.

Les apports de la modélisation des réseaux écologiques pour les entreprises

La modélisation des réseaux écologiques offre une palette d’utilisations aux acteurs de la gestion de la biodiversité afin d’alimenter leur réflexion dans différents contextes réglementaires ou volontaires.

Diagnostic territorial et insertion des sites industriels dans les réseaux écologiques

La représentation cartographique des résultats de modélisations est adaptée pour réaliser un diagnostic des continuités écologiques à l’échelle d’un territoire en mettant en évidence les secteurs à enjeux en termes d’habitats et de déplacements des espèces. Ce diagnostic permet d’évaluer globalement la position de site(s) industriel(s) par rapport aux enjeux de connectivité et les besoins de restauration ou de préservation de celle-ci. Ce type de diagnostic a par exemple été appliqué à trois sites d’EDF SA afin d’évaluer leur connectivité et leur place dans le réseau écologique à l’échelle régionale. À cette échelle, nous avons opté pour des guildes d’espèces représentatives des trois trames identifiées par la politique de trames vertes de la région (forestière, ouverte et humide). Les guildes ont été définies en fonction de leurs exigences en termes d’habitat (ubiquiste vs spécialiste), de leur mode de déplacement (terrestre vs aérien), de leur distance de dispersion moyenne et de leur capacité de franchissement des obstacles. La figure 3 montre les résultats pour la trame forestière (boisements feuillus, résineux et mixtes) et la guilde des espèces des grands mammifères tels que le chevreuil ou le sanglier (distance de dispersion de plusieurs dizaines de kilomètres et bonne capacité de franchissement des obstacles).

La représentation des nœuds et des liens du graphe (en vert sur la figure 3B) montre ainsi que deux sites (1 et 3) contribuent au réseau écologique des mammifères forestiers. Des mesures de restauration écologique, comme la plantation d’arbres, favoriseraient la reconnexion du site 2. L’indice de centralité intermédiaire (Girardet et Clauzel, 2018), qui évalue dans quelle mesure un nœud ou un lien a une position centrale dans le réseau, donne une indication sur la part de la connectivité soutenue par des sites à l’échelle du territoire (figure 3C). Cette métrique mesure la connectivité comme un nombre de parcours passant par un lien ou un nœud donné et permet donc de mettre en évidence la notion de « passage obligé ». La représentation graphique de cet indice en trois classes d’importance (faible, moyenne et forte) montre que les corridors passant par les sites 1 et 3 ont une faible importance dans le réseau écologique de la guilde des grands mammifères forestiers. Selon la stratégie foncière de l’entreprise, cela permet d’envisager de nouveaux aménagements sur ces sites en dehors du tracé des corridors et des mesures de restauration écologique in situ pour accroitre la connectivité dans leur secteur.

Figure 3. Résultats d’une étude de trois sites EDF (en rouge sur la carte A d’occupation du sol et en gris sur les cartes B et C des résultats des modélisations Graphab) pour la trame forestière et la guilde des espèces des grands mammifères (distance de dispersion de plusieurs dizaines de kilomètres et bonne capacité de franchissement des obstacles). Représentation des nœuds et des liens du graphe en vert sur la carte B et des indices de centralité intermédiaire pour les nœuds (BCN) et pour les liens (BCL) sur la carte C.

Optimisation des projets d'aménagement ou de restauration

Dans le cadre des études d’impacts sur l’environnement et de la mise en œuvre de la séquence « Éviter-Réduire-Compenser », le calcul de delta-métriques permet d’identifier les zones qui seront les moins sensibles à la construction d’un aménagement défavorable à la biodiversité (évitement). Le module « ajout de taches » permet de rechercher de manière systématique les meilleurs emplacements pour maximiser la connectivité (Foltête et al., 2014). Il permet donc de pré-localiser l’emplacement de potentielles mesures de compensation. La comparaison des valeurs de métriques globales, avant et après la mise en œuvre d’actions permet, enfin, d’évaluer les gains de connectivité liés à des projets de restauration écologique dans un contexte de compensation ou d’actions volontaires (figure 4). Dans le cas d’une restauration de milieux sur un site, la modélisation de la connectivité permet d’orienter les actions en déterminant, par exemple, les modalités de revégétalisation les plus adaptées à la création d’un habitat fonctionnel. L’observation des chemins de dispersion, en utilisant des graphes seuillés aux distances de dispersion des espèces cibles, permet de visualiser de façon simplifiée les flux potentiels de propagules depuis les milieux environnants jusqu’au site. Ces résultats peuvent alors indiquer au gestionnaire du site si une revégétalisation active est nécessaire ou si une colonisation spontanée depuis les milieux avoisinants est possible.

Figure 4. Exemple d’étude menée sur une installation de stockage de déchets de SUEZ.
Le graphe représente le réseau du Crapaud sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) intégrant 4 mares créées au nord-ouest du site d’étude dans le cadre de mesures compensatoires. La comparaison de la métrique probabilité de connectivité (probabilité que deux individus tirés au hasard dans la zone d’étude parviennent à entrer en contact) avec et sans ces 4 mares indique un gain de connectivité de 13 %. La modélisation montre une extension du réseau du crapaud sonneur et une connexion des mares du site avec celles nouvellement créées, dont la fonctionnalité a été confirmée par la présence d’individus dès la première année (Thierry et al., in Girardet et Clauzel, 2018).

Compréhension des liens entre la biodiversité d’un réseau de sites industriels et le paysage

Il est possible d’utiliser les valeurs de métriques de connectivité calculées pour un ensemble de sites en tant que variables explicatives dans des analyses statistiques.

Combinées à d’autres variables paysagères ou locales, les analyses permettent alors de mieux comprendre les facteurs influençant les espèces présentes sur des sites industriels. In fine, les résultats permettront à l’entreprise de prioriser ses actions de conservation en fonction des variables qui ont le plus d’influence. Par exemple, une étude a montré que la biodiversité d’un réseau de sites de captage d’eau potable était fortement influencée par les traitements en herbicides des cultures environnantes ainsi que par l’importance de ces sites au sein de la sous-trame herbacée (Thierry et al., 2022). Pour restaurer la biodiversité efficacement, il peut ainsi être judicieux d’accompagner la gestion écologique des sites par une approche à l'échelle du paysage impliquant des partenariats avec des acteurs locaux visant à favoriser la connectivité.

Les difficultés et limites de la modélisation des réseaux écologiques

La cartographie d’occupation du sol, réalisée en amont de la modélisation, demande un important travail et des compétences en SIG (système d’information géographique). Malgré tout le soin apporté à sa réalisation, la cartographie présente toujours un certain nombre de limites inhérentes aux temps de calculs, à l’échelle de définition et à la typologie des catégories d’occupation du sol qui ne permettent pas d’appréhender tous les éléments du paysage avec le niveau de détail requis pour l’étude de certaines espèces, notamment inféodées à des micro-habitats ou des milieux temporaires. Si possible, une visite de terrain permet de l’affiner en identifiant des éléments favorables et des obstacles aux déplacements, non visibles sur les couches cartographiques. Dans le cas des sites industriels, la diversité des milieux est souvent diluée dans une seule catégorie d’occupation du sol dans les bases de données existantes. Disposer de cartographies des habitats des sites, réalisées en amont, permet d’avoir une représentation plus fine des milieux présents sur leur foncier.

La localisation des taches d’habitats potentiels pourrait être complétée, en amont de l’analyse de la connectivité, en prenant en compte certains paramètres locaux influençant la présence des espèces via une modélisation de leur distribution (Duflot et al., 2018 ; Clauzel et Godet, 2020). La capacité d’une espèce à réaliser son cycle de vie est fondamentale pour l’évaluation de la fonctionnalité des habitats (Akçakaya et Sjögren-Gulve, 2000). Si dans Graphab, il est aussi possible de définir la capacité d’accueil des taches d’habitat propice, cela ne permet pas de tenir compte de la capacité de l’espèce à réaliser son cycle de vie en leur sein. Un couplage de Graphab avec un modèle de dynamique de population pourrait intégrer ces éléments.

La méthode des chemins de moindre coût est considérée comme une méthode performante d'estimation de la connectivité (Zeller et al., 2012) mais montre aussi ses limites (Sawyer et al., 2011). L’attribution des coûts repose souvent sur des ordres de grandeur définis à dires d’experts et plusieurs facteurs intervenant dans les déplacements des espèces ne sont pas pris en compte comme la direction des vents dominants ou certains facteurs anthropiques (déplacement de terres, utilisation de moyens de transports, zoochorie…). Le fait d’associer une valeur de résistance à chaque catégorie d’occupation du sol est aussi une faiblesse du modèle. Une haie peut par exemple présenter un attrait différent selon si elle est située au milieu de prairies permanentes ou au milieu de cultures annuelles.

Enfin, l’utilisation de chemins de moindre coût repose sur l’hypothèse forte d’un déplacement unique et optimal d’organismes connaissant parfaitement la configuration du paysage. Certains espaces suboptimaux peuvent ainsi être empruntés par les espèces sans ressortir dans les résultats de la modélisation.

Malgré l’intérêt que présente la fonctionnalité de recherche systématique des meilleurs emplacements pour maximiser la connectivité (Foltête et al., 2014), cette méthode est d’autant plus gourmande en temps de calcul que la zone d’étude est grande et que la taille des cellules est petite. Il peut alors être utile de réduire le champ des possibles en sélectionnant en amont des secteurs d’ajout de taches à tester, à dire d’experts et/ou sur la base de la maîtrise du foncier.

Conclusion

Les sites anthropisés tels que des sites d’entreprises représentent une surface considérable avec de forts enjeux pour la préservation de la biodiversité. Selon leur aménagement, ils peuvent tout aussi bien aggraver la fragmentation du territoire ou au contraire participer aux réseaux écologiques. Malgré ses limites, la modélisation des réseaux écologiques basée sur la théorie des graphes et la méthode des chemins de moindre coût présente un intérêt en tant qu’outil d’aide à la décision pour les entreprises. Elle permet d’identifier les principales continuités écologiques présentes sur les sites en vue de les préserver, mais aussi les secteurs à restaurer, à élargir ou à aménager en fonction des enjeux identifiés. En évaluant les impacts positifs ou négatifs potentiels d’un projet à venir sur la connectivité, elle peut guider une entreprise dans sa stratégie d’aménagement de ses sites, et lui permettre ainsi de jouer un rôle dans la préservation de la biodiversité et le maintien ou le renforcement des réseaux écologiques. Comme toute modélisation, celle-ci constitue une lecture utile du paysage, mais doit être complétée par une analyse experte.

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Photo d’entête : © Hugues-Marie Duclos (Médiathèque Terra)

Références

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Résumé

La fragmentation et la destruction des habitats naturels résultant des activités humaines jouent un rôle majeur dans le déclin de la biodiversité. Restaurer les continuités écologiques est un bon moyen d’action pour limiter ces impacts, et les entreprises, gestionnaires de foncier, sont concernées par ces enjeux. Cet article expose les choix méthodologiques à effectuer lors des différentes étapes de la modélisation de la connectivité par la théorie des graphes (avec le logiciel Graphab) ainsi que différents contextes d’utilisations de celle-ci pour des sites d’entreprises. La modélisation de la connectivité, bien que présentant quelques limites, peut ainsi être très utile à une entreprise en tant qu’outil d’aide à la décision pour déterminer des objectifs d’aménagement, de conservation ou de gestion sur leurs sites, dans l’objectif d’une meilleure prise en compte des réseaux écologiques.

Auteurs


Chloé THIERRY

chloe.thierry@mnhn.fr

Affiliation : PatriNat (OFB/MNHN), Muséum national d'Histoire naturelle, 91800 Brunoy

Pays : France


Laure SANTONI

Affiliation : EDF R&D, LNHE - Laboratoire National d’Hydraulique et Environnement, 78400 Chatou

Pays : France

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