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La marque « Végétal local » vue par EDF : analyse de filière et retours d’expérience

Dans le cadre des opérations de restauration écologique de milieux dégradés et de végétalisation, l'utilisation de plantes locales s'impose comme une solution privilégiée pour préserver la diversité génétique et réduire les risques liés à l'introduction de végétaux allochtones. EDF, qui gère un vaste patrimoine foncier en France, est partenaire de la marque « Végétal local » depuis 2015. Cet article présente la vision d’EDF sur la structuration de cette filière ainsi qu’un retour d'expérience de l'utilisation de la marque dans ses projets.

Le Végétal local : un moyen pour EDF de répondre aux enjeux de préservation de la diversité génétique

La biodiversité sauvage est soumise à de nombreuses pressions anthropiques, à tel point que le terme « d’effondrement » s’est introduit dans le discours scientifique et politique (IPBES, 2019 ;1 Abbadie, 2018). Face à la dégradation et la destruction des habitats naturels, premières causes de perte de biodiversité terrestre (IPBES, 2019), l’Organisation des Nations Unies a proclamé 2021-2030 « Décennie pour la restauration des écosystèmes »2 et différentes politiques encouragent la restauration écologique3, définie comme le « processus d’assister la régénération d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit » (SER, 2004)4. Concernant les écosystèmes terrestres, la restauration écologique passe par l’implantation de communautés végétales capables d’assurer des fonctions écosystémiques essentielles (Bucharova et al., 2019). Le choix de la provenance du matériel végétal est complexe et dépend de la configuration de l’opération de restauration et des espèces en présence (Jones, 2013 ; Bischoff et al., 2010). Cependant, l’introduction de végétaux de provenance non locale5 génère différents risques, tels que la propagation de génotypes exotiques6, l’introduction de gènes peu adaptés aux conditions du site, l’hybridation avec les populations autochtones, ou encore de potentiels effets négatifs sur les interactions entre espèces (pollinisation, herbivorie…) (Staltonstall, 2002 ; Jones, 2013 ; Bischoff et al., 2010 ; Bucharova et al., 2019 ; Rivière et al., 2022). De ce fait, l’idée d’utiliser du matériel végétal local dans le cadre des projets de restauration a émergé depuis les années 2000 (Dupré la Tour et al., 2020) afin de préserver la diversité génétique, une des composantes de la biodiversité définie par la Convention de Rio7 (United Nations, 1992).

Consciente de ces enjeux, l’entreprise EDF est devenue partenaire de la marque « Végétal local » dès sa création en 2015 par la Fédération des conservatoires botaniques nationaux (aujourd’hui intégrée à l’Office français de la biodiversité, OFB), l’Afac-Agroforesterie et Plante & Cité8 En effet, en tant qu’aménageur d’infrastructures majeures et gestionnaire de plus de trente mille hectares de foncier terrestre en France continentale, le groupe EDF utilise régulièrement du matériel végétal pour l’aménagement d’espaces verts, la réhabilitation post-travaux et la restauration écologique. La végétalisation peut découler d’obligations réglementaires, telles que celles de la séquence « Éviter, Réduire, Compenser » (ERC), ou bien d’actions volontaires favorables à la biodiversité conformes aux engagements de responsabilité sociétale de l’entreprise.

Dans le présent article, nous proposons la vision d’EDF sur la structuration de la filière « Végétal local », afin d’utiliser ce cadre d’analyse pour présenter un retour d’expérience de l’utilisation de la marque.

Structuration de la filière « Végétal local » vue par EDF

La filière « Végétal local » fait intervenir un tissu d’acteurs très variés répartis le long d’une chaîne de valeur allant de la collecte du matériel végétal à son utilisation (figure 1).

Figure 1 – Vision EDF des acteurs de la filière « Végétal local »9.

Côté offre, des collecteurs suivent le référentiel technique défini par la marque (OFB, 2023) pour fournir des graines (ou d’autres types de matériel végétal) aux producteurs qui vont commercialiser ce matériel auprès de porteurs de projets d’aménagement paysager, d’agro-écologie ou encore de restauration des milieux. Pour bénéficier de la marque « Végétal local », collecteurs et producteurs doivent déposer un dossier de candidature examiné par le Comité de gestion de la marque qui regroupe plusieurs collèges d’acteurs (animateurs de la marque, producteurs, utilisateurs, prescripteurs…). Ils sont ensuite audités régulièrement. Cette structuration locale de la filière contribue au développement économique des territoires. En forte phase de croissance, la marque compte, au premier semestre 2024, 121 bénéficiaires (collecteurs et producteurs), 804 végétaux répertoriés, et la démarche est en cours de déploiement dans les Outre-mer (OFB, 2024a).

Côté demande, les projets font intervenir maître d’ouvrage et maître d’œuvre, mais également l’administration et des prescripteurs techniques externes. Il faut noter que la filière fait actuellement face au défi d’une forte augmentation de la demande. Selon une étude réalisée dans la région Pays de la Loire, 62 % des prescripteurs interrogés considèrent que l’offre est insuffisante, aussi bien en ce qui concerne la disponibilité que la diversité du matériel végétal (Ploteau et Cassagnes, 2021). Ceci s’explique par des difficultés techniques (collecte soumise aux aléas climatiques, problématique de levée de dormance pour les herbacées…), mais aussi par un manque de collecteurs et de producteurs.

Ce réseau d’acteurs plus complexe que celui des filières horticoles classiques ainsi que le défi de l’adéquation entre offre et demande expliquent que la filière « Végétal local » se voit soutenue par les animateurs de la marque (une trentaine de correspondants locaux issus des Conservatoires botaniques, de l’Afac-Agroforesteries et de Plante & Cité), mais également par des chercheurs, des formateurs et des politiques publiques et privées subventionnant le développement de la filière.

Retour d’expérience après dix ans de partenariat autour du « Végétal local »

Le retour d’expérience d’EDF sur l’utilisation du matériel « Végétal local » s’articule autour des trois composantes de la figure 1 : la demande, l’offre et l’accompagnement de ces dernières. Le tableau 1 décrit cinq projets « Végétal local » portés par les entités du groupe EDF ainsi que les acteurs qu’ils ont fait intervenir.

Tableau 1. Aperçu de quelques projets « Végétal local » portés par le groupe EDF.

Site concerné

Description du projet et matériel végétal requis

Exemples d’espèces mises en place (par ordre d’importance dans le mélange)

Partenaires impliqués dans la partie génie végétal du projet

Aménagement hydroélectrique de Romanche Gavet (Isère)

Renaturation des emprises de chantier du barrage de Livet (9 ha) et réaménagement de 1,6 km de berges de la Romanche (2015-2016).

• Matériel herbacé local nécessaire : plus de 500 kg de graines, plus de 60 espèces dont 20 collectées dans un rayon de 25 km.

• Matériel ligneux local nécessaire :

8 350 plants d’arbrisseaux et d’arbustes (18 espèces), 43 500 ramilles et 5 500 boutures (4 espèces de saules).

• 70 % de matériel labellisé « Végétal local « pour l’ensemble du chantier.

• Herbacées :

Achnatherum calamagrostis, Rhinanthus alectorolophus, Rumex scutatus,

Hypericum perforatum, Verbascum densiflorum.

• Ligneux : Salix spp., Crataegus monogyna, Ligustrum vulgare, Lonicera xylosteum, Berberis vulgaris, Cornus sanguinea, Daphne laureola, Euonymus latifolius, Viburnum lantana.

• Appui technique et suivi : Conservatoire botanique national alpin, INRAE Grenoble (Laboratoire Écosystèmes et sociétés en montagne).

• Maîtrise d’œuvre : mandataire Vinci Construction Terrassement, sous-traitant SARL T. Chassagne (Bourg-En-Bresse, Ain).

• Fourniture de matériel végétal : SARL ZYGENE (Charols, Drôme), SARL Eco-SAUL’ution (Revel-Tourdan, Isère).

• Assistance à maîtrise d’œuvre : bureau d’études BIOTEC (Lyon, Rhône).

Centrale nucléaire du Blayais (Gironde)

Revégétalisation d’une digue sur 2 ha suite à son rehaussement pour la protection contre les inondations (2022).

• 17 espèces herbacées provenant des zones « Végétal local « » Sud-Ouest « et « Massif Armoricain ».

• 1 espèce herbacée répondant au cahier des charges du « Végétal local » mais non labellisée.

• 7 espèces herbacées commerciales de provenance européenne.

• Labellisées « Végétal local » : Chamaemelum nobile, Ammi majus, Papaver rhoeas, Anthemis cotula, Achillea millefolium.

• Espèce locale non labellisée : Lotus corniculatus.

• Espèces commerciales : Lolium perenne, Phleum pratense, Festuca rubra subsp. rubra, Trifolium repens.

• Appui technique et suivi : Conservatoire botanique national Sud-Atlantique.

• Fourniture de matériel végétal : SAS Semence Nature (Bagnères-de-Bigorre, Hautes-Pyrénées).

Centrale à cycle combiné gaz de Blénod-lès-Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle)

Végétalisation d’une parcelle avec une prairie fleurie de 1 150 m² (2023).

• 20 espèces herbacées provenant de la zone « Végétal local » « Nord-Est »

• 2 espèces répondant au cahier des charges du « Végétal local » mais non labellisées.

• Densité de semis (manuel) : 5 g/m², travail du sol sur 10-15 cm.

• Labellisées « Végétal local » : Festuca rubra, Bromus erectus, Koeleria macrantha, Festuca guestfalica, Lotus corniculatus, Centaurea cyanus, Sanguisorba minor, Petrorhagia prolifera, Achillea millefolium.

• Espèces locales non labellisées : Onobrychis

viciifolia, Centaurea stoebe.

• Appui technique et suivi : Conservatoire botanique Alsace-Lorraine.

• Maîtrise d’œuvre : Tera Paysages Environnement (Argancy, Moselle).

• Fourniture de matériel végétal : Nungesser Semences (Erstein, Bas-Rhin).

Centrale photovoltaïque de Beaurepaire

(Vendée)

Plantation en « Végétal local « de 230 mètres linéaires de haies (2021).

• 16 espèces ligneuses provenant des zones « Végétal local « » Bassin Parisien Sud « et « Massif Armoricain ».

• 2022 : complément des plantations suite aux effets de la canicule (84 plants locaux dont 42 labellisés).

Prunus spinosa, Ligustrum vulgare, Euonymus europaeus, Cytisus scoparius, Cornus sanguinea,

Betula pendula, Quercus robur, Sorbus torminalis, Malus sylvestris.

• Maîtrise d’œuvre, fourniture de matériel végétal : Fraxinus sp (Bouchemaine, Maine-et-Loire).

• Assistance à maîtrise d’œuvre : AGEV Solutions (Cholet, Maine-et-Loire).

Ancienne centrale thermique d’Aramon/centrale

Photovoltaïque d’Aramon (Gard)

Après déconstruction d’une centrale thermique, semis d’une prairie sous les panneaux d’un parc photovoltaïque de 6 ha (2019).

• 34 espèces herbacées.

• Matériel local non labellisé.

• Semis par hydroseeding de 3 g/m² de graines, pas d’apport de terre végétale ni d’amendement, hersage.

Brachypodium phoenicoides, Dactylis glomerata, Dorycnium hirsutum, Daucus carota, Nigella damascena, Onobrychis viciifolia, Scabiosa atropurpurea, Agrostemma githago.

• Suivi annuel de la reprise de la prairie par le Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles.

• Fourniture de matériel végétal : SARL ZYGENE (Charols, Drôme).

Pour la colonne listant les espèces mises en place, la liste n’est pas exhaustive car elle serait trop longue.

Une demande croissante en « Végétal local » au sein d’EDF

La collaboration d’EDF avec les Conservatoires botaniques nationaux sur du matériel végétal utilisé à des fins de restauration étant antérieure à 201510, c’est tout naturellement que l’entreprise s’est engagée dans un partenariat national portant sur la marque « Végétal local » dès sa création (OFB, 2021). Ainsi, pour le projet d’aménagement hydroélectrique de Romanche Gavet en Isère, EDF a rédigé dès 2010 un cahier des clauses techniques particulières (CCTP) contenant des spécifications sur la provenance et la qualité des végétaux proches des exigences de la marque. Cela a abouti en 2015-2016 à la renaturation de 9 hectares et au réaménagement de 1,6 km de berges ayant nécessité plus de 500 kg de graines (60 espèces), 8 350 plants d’arbrisseaux et d’arbustes (18 espèces) ainsi que 43 500 ramilles et 5 500 boutures (4 espèces de saules) (tableau 1). À l’issue des différentes phases de ce chantier d’envergure qui se poursuit encore à ce jour, EDF aura renaturé une quarantaine d'hectares avec des végétaux locaux, ce qui représentera un gain de 7 ha sur les emprises artificialisées avant le projet (différence entre la superficie des anciens et des nouveaux ouvrages hydroélectriques).

En 2020, puis en 2023, dans le cadre de l’initiative « Entreprises engagées pour la nature » de l’OFB, le groupe EDF a renouvelé son engagement à utiliser préférentiellement des graines et plants locaux certifiés pour les opérations de végétalisation, de renaturation et de restauration dans les territoires où la démarche est mise en place (OFB, 2024b). De ce fait, dix-huit opérations ayant fait intervenir des végétaux locaux ont été menées entre 2020 et 2022, sur plus de vingt hectares (par exemple : plantation de haies, mise en place de prairies, végétalisation de berges ou de terrils de cendres). La demande émane de différentes divisions d’EDF qui ont la charge de la gestion foncière et immobilière, et de nouvelles entités d’EDF s’engagent régulièrement dans la démarche, comme la filiale EDF Renouvelables en 2020 (en dehors du partenariat EDF-FCBN). Les projets sont souvent volontaires, mais découlent aussi parfois d’obligations réglementaires, par exemple pour des mesures compensatoires dans le cadre d’une autorisation de défrichement. Après la végétalisation, un suivi de long terme est assuré pour s’assurer de la réussite de l’opération et compenser, le cas échéant, la mortalité par une replantation ou un réensemencement.

Enjeux de l’offre en « Végétal local » : anticipation et disponibilité des végétaux

Les projets nécessitent une bonne anticipation afin que les végétaux soient mis à disposition à temps par les fournisseurs, en particulier pour les ligneux. En effet, dans les chantiers de grande ampleur, plusieurs années sont nécessaires pour faire un diagnostic des végétaux locaux adaptés au site, analyser la disponibilité du matériel labellisé, mettre en place des contrats de culture si le matériel n’est pas disponible et produire les quantités souhaitées. Ainsi, pour la première phase du projet de Romanche Gavet, la demande a été anticipée dès 2010 pour un chantier qui a eu lieu en 2015-2016. En outre, différents fournisseurs ont été sollicités dans plusieurs départements afin d’assurer la livraison du volume de matériel végétal nécessaire aux chantiers de renaturation, et les phases ultérieures de chantier ont fait intervenir de nouveaux acteurs (Office national des forêts pour les ligneux, semencier Phytosem). L’anticipation de la demande est également un enjeu pour un acteur comme EDF Renouvelables car le calendrier des chantiers éoliens ou photovoltaïques est parfois contraint par des engagements ou encore dépendant des délais, parfois incertains, des procédures administratives.

Dans les cas où le groupe EDF a la maîtrise foncière de terrains à proximité de ses chantiers, elle peut les mettre à disposition pour la collecte de matériel végétal. Ainsi, pour le projet de Romanche Gavet, des plants d’arbrisseaux et d’arbustes ont été prélevés dans le milieu naturel sous des lignes électriques pour être replantés directement. Cette opportunité ponctuelle a permis à EDF de bénéficier d’un volume conséquent de ligneux sans anticipation trop importante.

Quand la disponibilité en végétaux labellisés n’est pas assurée, EDF a recours à plusieurs parades pour compléter l’approvisionnement (tableau 1) : fourniture en matériel local non labellisé mais respectant les spécificités du cahier des charges de la marque, matériel labellisé provenant de régions d’origine voisines, et en dernier lieu végétaux provenant d’autres pays européens.

Après la fourniture du matériel végétal, il existe également un enjeu sur la réalisation de travaux car il peut s’avérer compliqué de trouver un paysagiste pour réaliser la préparation du sol sur de petites surfaces en contexte industriel. Cela a été le cas dans le projet de prairie sur la centrale de Blénod (photo 1) : faute de paysagiste, les semences ont dû être stockées pendant un an après leur achat, dans un lieu sec et à l’abri de la lumière, et la préparation du sol et le semis n’ont pas pu être réalisés à l’automne comme préconisé par le semencier.

Photo 1 – Centrale de Blénod.
© EDF

Accompagnement de l’offre et de la demande : appui technique et sensibilisation

Grâce au partenariat passé avec les Conservatoire botaniques nationaux, EDF bénéficie de leur expertise et appui technique sur l’aménagement des habitats naturels et la réalisation de travaux de végétalisation, afin de maximiser les chances de réussite des projets. Ainsi, des préconisations sont faites sur l’emplacement du projet et les espèces à mettre en place. Un suivi des projets est ensuite réalisé par les conservatoires botaniques (tableau 2), ce qui permet d’évaluer les conditions de réussite des semis et plantations et de formuler des préconisations pour atteindre les objectifs de végétalisation.

Tableau 2. Exemples de suivis réalisés en lien avec le « Végétal local » sur les sites d’EDF.

Site concerné

Objectif et description du suivi

Principaux résultats

Aménagement hydroélectrique de Romanche Gavet (Isère)

• Estimer la réussite de l’opération de renaturation à Romanche Gavet pour la première saison de végétation (espèces ligneuses et herbacées).

• Relevés de végétation réalisés in situ (2016).

• Partenariat local avec le Conservatoire botanique national alpin et INRAE, publication scientifique (Delage et al., 2017).

• Taux de reprise des boutures, plants et lits de plants et plançons très élevé, bonne diversité d’essences reflétant la richesse spécifique des forêts alluviales de la Romanche.

• Bilan moins satisfaisant pour les espèces herbacées (explication : densité de semis initialement insuffisante).

• Préconisation : réaliser un nouvel ensemencement d’herbacées à l’automne suivant.

Centrale nucléaire du Blayais (Gironde)

• Suivre la réussite d’un semis sur une digue d’espèces herbacées.

• Suivi in situ du développement des espèces (2023).

• Partenariat local avec le Conservatoire botanique national Sud-Atlantique.

• Bon développement de la végétation : 19 des 25 espèces semées en 2022 ont été observées en mai 2023.

• Préconisation : pas de sursemis à envisager, réalisation d’une fauche avec export des résidus fin mai-début juin 2023.

Centrale à cycle combiné gaz de Blénod-lès-Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle)

• Suivre la réussite du semis d’une prairie fleurie sur au moins 3 années consécutives.

• Suivi in situ du développement des espèces (au moins sur 2023-2025).

• Partenariat local avec le Conservatoire botanique Alsace-Lorraine.

• Mauvais développement de la végétation en 2023 car longue période de sécheresse après le semis d’avril (semis tardif car difficulté à trouver un paysagiste).

• Préconisation : pas de fauche en 2023, pas de sursemis.

• Très bon développement de la prairie en 2024 avec l’expression de quasiment toutes les espèces du mélange, une fauche tardive est prévue en septembre 2024.

Centrale photovoltaïque de Beaurepaire

(Vendée)

• Suivre la réussite de l’implantation de 230 mètres linéaires de haies (action incluse dans un suivi écologique général pluriannuel du parc photovoltaïque).

• Suivi de la végétation in situ : année du chantier (2021) pour la bonne mise en place de la haie, puis deux années suivant la mise en service du parc (2024 et 2028).

• Sous-traitance du suivi au bureau d’études écologiques Biotope.

• Réussite de la plantation de la haie en matière de vitalité des plants et de fonctionnalité pour la biodiversité (avifaune notamment).

• Suivi 2024 : sur la partie sud, la haie est en bon état de conservation et la majorité des arbustes se sont bien développés (seulement 4 plants sont morts). Dans la partie nord, 27 plants n’ont pas survécu.

• Facteurs explicatifs : partie nord de la haie soumise à la concurrence avec la végétation herbacée.

• Préconisations : dans la partie nord, replanter les 27 plants et adapter le Plan de Gestion Environnemental pour introduire une fauche de la végétation herbacée.

Ancienne centrale thermique d’Aramon/centrale

Photovoltaïque d’Aramon (Gard)

• Suivre la réussite du semis d’une prairie fleurie (2020-2023).

• Suivi in situ de 18 placettes de 200 m² choisies par couples : une placette sous les panneaux photovoltaïques, une entre les panneaux.

• Partenariat local avec le Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles.

• Installation de diverses espèces au cours du temps, issues ou non du mélange grainier (183 espèces en tout sur 2020-2023) : 15 espèces du mélange observées en 2020, 26 espèces en 2021 et 19 espèces en 2023 (sur 34 semées).

• 4 espèces du mélange grainier jamais observées au cours des relevés : Agrostemma githago, Saponaria ocymoides, Vicia cracca, Knautia integrifolia.

• Une espèce non semée initialement présentant des recouvrements importants : Oloptum miliaceum.

• Facteurs explicatifs : conditions climatiques défavorables, perturbation du sol par le hersage réalisé en 2019, variation naturelle du cortège d’espèces en climat méditerranéen (forte proportion d’espèces annuelles).

• Préconisations : maintenir la fauche annuelle de la prairie mais à des périodes différentes ou par mosaïque, gestion de l’espèce exotique envahissante Robinia pseudoacacia observée sur certaines placettes.

Centrale à cycle combiné gaz de Bouchain (Nord)

• Évaluer la réussite d’un sursemis de végétaux locaux sur une prairie fleurie horticole, avec 22 espèces collectées par le conservatoire botanique dans le milieu naturel à proximité (ex. : Achillea millefolium, Dipsacus fullonum, Silene latifolia, Malva sylvestris, Echium vulgare, Knautia arvensis, Linaria vulgaris) et 4 graminées achetées à Ecosem.

• Suivi in situ de la reprise des espèces locales (2021-2023).

• Partenariat local avec le Conservatoire botanique national de Bailleul (collecte, semis, suivi).

• Présence de nombreuses espèces issues de la prairie fleurie horticole (Nigella damascena, Cota tinctoria), quelques espèces non issues du mélange semé (Urtica dioica, Rubus sp., Cirsium vulgare) et une espèce exotique envahissante (Senecio inaequidens).

• Nombreuses zones où le semis n’a pas levé, colonisation par des espèces annuelles (Erodium cicutarium, Sherardia arvensis).

• Facteurs explicatifs : forte pression de tonte qui empêche les plantes de réaliser leur cycle complet de reproduction, présence de lapins (pâturage), de faisans et pigeons (consommation des graines).

• Préconisations : remplacer la tonte avec exportation par une fauche tardive sans exportation, réensemencer les zones de terre à nu avec du foin issu de la fauche des zones à couvert végétal dense de la prairie ou avec des semences « Végétal local » de la région « Bassin Parisien Nord ».

Un des enseignements des suivis est de réaliser les semis à l’automne plutôt qu’au printemps, afin de favoriser une levée plus homogène et de limiter le risque dû à la sécheresse. Par ailleurs, la densité de semis est un paramètre important mais il est parfois conseillé d’attendre deux saisons de végétation pour juger de la réussite d’une opération, comme cela a été le cas pour la prairie de la centrale de Blénod qui a été soumise à une forte sécheresse l’année du semis. Le mode de gestion est également décisif, comme la réalisation de fauches tardives pour permettre aux plantes de réaliser leur cycle de reproduction complet.

En outre, le déploiement de la marque au sein d’EDF est rendu possible par une sensibilisation des employés à l’intérêt du « Végétal local ». Des formations internes sont organisées, animées par le réseau des Conservatoires botaniques nationaux, par exemple sur les arguments scientifiques et les retours d’expérience concernant le choix du « Végétal local » face aux effets du changement climatique. Plusieurs vidéos de communication ont également été produites : vidéo documentaire sur l’opération de renaturation de Romanche Gavet en 2017, vidéo didactique sur les enjeux du « Végétal local » en 201811. Des actions de formation sont aussi nécessaires pour rédiger les cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) spécifiant notamment la provenance, la nature et la qualité des végétaux. EDF a par exemple soutenu financièrement la rédaction, par les animateurs de la marque, d’un guide sur la prescription de végétaux locaux dans le cadre des marchés publics (Provendier et al., 2017). En outre, la sensibilisation ne concerne pas que les personnes en charge des commandes de matériel végétal et de l’entretien des espaces verts, mais également les autres employés des sites et les visiteurs (installation de panneaux informatifs pour augmenter l’acceptabilité d’une fauche tardive, mise en place d’une clôture en corde pour éviter le piétinement d’une prairie).

Enfin, EDF s’implique dans des travaux avec les acteurs de la recherche comme le centre INRAE Lyon-Grenoble Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple pour étudier les conditions de développement de semences locales pour la restauration de berges (Weissgerber et al., 2019) ou encore tester les effets de priorité d’un semis d’espèces locales sur l’espèce exotique envahissante qu’est le Buddleia de David (Buddleja davidii) (Dommanget et al., 2021). Une autre expérimentation, pour l’instant peu concluante, a été conduite sur le site de l’ancienne centrale thermique de Vitry-sur-Seine par le Conservatoire botanique national du Bassin parisien pour tester l’effet de compétition par la clématite des haies (Clematis vitalba) sur la renouée du Japon (Reynoutria japonica).

Conclusion 

Enseignements du retour d’expérience d’EDF

Dans le contexte de changements globaux ayant un fort impact sur la biodiversité, l’entreprise EDF, en ligne avec l’enjeu de préservation des ressources de la planète inscrit dans sa raison d’être, s’est engagée dans la démarche « Végétal local ». Cette dernière se présente comme la déclinaison d’un « principe de précaution » concernant la conservation de la diversité génétique. En effet, le recours à différents végétaux d’origine locale permet d’observer quelles espèces s’avèreront sur le temps long les plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques, plutôt que de parier sur des espèces allochtones.

La demande des différentes entités EDF pour le matériel « Végétal local » est donc croissante, aussi bien pour l’aménagement d’espaces verts que pour la réhabilitation post-travaux et la restauration écologique. Les principaux défis auxquels font face l’entreprise dans l’utilisation de végétaux locaux concernent la sensibilisation des employés à l’intérêt du « Végétal local », la maîtrise technique nécessaire à la définition du cahier des charges des projets, ainsi que l’anticipation de la demande pour les projets nécessitant des volumes conséquents de matériel végétal, en particulier ligneux.

En contrepartie, les bénéfices du recours à la marque sont multiples : accompagnement technique par le réseau des Conservatoires botaniques nationaux, ancrage local et soutien à l’économie des territoires, image positive et respect des engagements de responsabilité sociétale, ou encore facteur d’acceptation des projets par l’administration. Ainsi, ces bénéfices répondent aussi bien à des enjeux environnementaux qu’économiques, territoriaux et stratégiques.

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Photo d’entête : CNPE du Blayais © EDF.

Notes

  • 1. Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services.
  • 2. United Nations Decade on Ecosystem Restoration : https://www.decadeonrestoration.org
  • 3. Par exemple, dans le cadre de la Stratégie européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, la Commission européenne propose d’introduire un objectif contraignant de restauration écologique pour les États membres (repris dans le Règlement européen relatif à la restauration de la nature adopté en 2024). L’actuelle proposition de Cadre mondial de la biodiversité pour l’après 2020 contient également une cible de restauration.
  • 4. Society for Ecological Restoration.
  • 5. La définition du terme « local » est une question de recherche à part entière (McKay et al., 2005 ; Dupré la Tour et al., 2020). Pour la suite de l’article, nous retiendrons la définition adoptée dans la marque « Végétal local ».
  • 6. D’autre part, les espèces exotiques envahissantes sont une des principales causes de perte de biodiversité (IPBES, 2019).
  • 7. Selon la Convention de Rio sur la diversité biologique, les trois composantes de la biodiversité sont la diversité génétique, la diversité spécifique et la diversité des écosystèmes.
  • 8. La marque définit onze territoires biogéographiques pour la France métropolitaine, dénommés « régions d’origine », et encadre grâce à un référentiel technique les conditions de collecte, de production et de traçabilité permettant de disposer d’un matériel végétal local et sauvage. Dans chacune de ces régions, des collecteurs et des producteurs proposent à la vente des graines, plants ou boutures certifiés « Végétal local ». Pour en savoir plus, se référer au site officiel https://www.vegetal-local.fr
  • 9. Cette cartographie se base sur des entretiens conduits au sein d’EDF ainsi que sur différentes études d’opportunité « Végétal local » accessibles sur le site https://vegetal-local.fr/nos-actualites/etudes-dopportunite-vegetal-local (consulté le 27/03/2024)
  • 10. Travaux ayant donné lieu à des publications, par exemple Huc et al. (2019).
  • 11. Vidéos accessibles sur le site d’EDF : https://www.edf.fr/groupe-edf/agir-en-entreprise-responsable/responsabilite-societale-dentreprise/biodiversite (consulté le 27/03/2024).

Références

  • Abbadie, L. (2018). L’effondrement de la biodiversité, jusqu’où ? Revue juridique de l’environnement, 43(3), 455–457. https://droit.cairn.info/article/RJE_183_0455/pdf?lang=fr
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Résumé

L’entreprise EDF, en tant qu’aménageur d’infrastructures majeures et gestionnaire de plus de 30 000 hectares de foncier terrestre en France continentale, collabore depuis plus de dix ans avec les Conservatoires botaniques nationaux sur l’origine du matériel végétal utilisé dans ses projets d’aménagement, de réhabilitation post-chantier et de restauration écologique. Cette collaboration se traduit notamment par un partenariat national initié dès la création en 2015 de la marque « Végétal local ». Cette dernière, animée par le réseau des Conservatoires botaniques nationaux, l’Afac-Agroforesteries et Plante & Cité, vise à garantir l’utilisation de matériel végétal adapté au territoire où les projets sont mis en place, dans un souci de protection de la diversité génétique. L’article présente la vision d’EDF sur la structuration de la filière, qui se distingue par un réseau d’animateurs locaux, un lien avec les acteurs de l’économie des territoires et une forte implication du monde de la formation et de la recherche. Un retour d’expérience sur les projets portés par EDF avec du « Végétal local « permet de mettre en lumière les avantages de la marque, mais aussi les défis qui vont de pair avec son utilisation.

Auteurs


Léa DIECKHOFF

lea.dieckhoff@eifer.org

Affiliation : EIFER


Juliette ROULEAU

Affiliation : EIFER


Florine DELESSE

Affiliation : EIFER


Sandra CLERMONT

Affiliation : EIFER

Pièces jointes

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