Vers une augmentation structurelle de l’irrigation ? Enseignements du recensement agricole de 2020
Le recensement agricole permet de connaître les grandes tendances de l’irrigation à échéances régulières, notamment en ce qui concerne les équipements mobilisés et les surfaces et les cultures irriguées. L’analyse de ces données constitue une source complémentaire de connaissances sur l’irrigation en France métropolitaine, à différentes échelles administratives et hydrographiques.
Introduction
Les données du recensement agricole sont un moyen de mesurer les évolutions de l’irrigation à différentes échelles spatiales et temporelles. Le recensement agricole est opéré toutes les décennies : 1955, 1970, 1979, 1988, 2000, 2010, 2020 par le service statistique du ministère en charge de l’agriculture. Réaliser son état des lieux permet de connaître les grandes tendances de l’irrigation (équipements, surfaces, cultures) à échéances régulières.
Les données mobilisées sont les variables du module « irrigation » du questionnaire du recensement agricole :
– les surfaces irriguées et exploitations concernées pour chaque type de culture irriguées ;
– les surfaces équipées (ou irrigables) et les exploitations concernées pour chaque type de culture ;
– l’origine de la ressource en eau (superficielle, forage, retenue) et le mode d’accès à la ressource (individuel, collectif, mixte) ;
– les techniques d’irrigation utilisées (aspersion, micro-irrigation, gravitaire).
Il est important de prendre en compte l’année climatique au cours de laquelle la campagne agricole a été opérée. En particulier, les conditions climatiques printanières influent sur les indicateurs conjoncturels (superficies irriguées et exploitations concernées). Nous avons mis en relation le bilan hydrique (février à avril) constaté en 2010 et 2020 et la mise en irrigation des céréales à paille sur ces deux années. Ces cultures ne sont pas systématiquement irriguées : les agriculteurs prennent la décision de la mise en irrigation de ces cultures en fonction des conditions météorologiques, en particulier de la recharge hivernale. Les superficies équipées et exploitations concernées, le mode d’accès à l’eau, les origines de la ressource en eau et les techniques d’irrigation sont des variables moins influencées par la conjoncture économique et la situation climatique de l’année en cours.
L’intérêt de l’analyse des données du recensement agricole est accentué par l’inexistence d’une base de données qui collecterait annuellement les superficies irriguées sur l’ensemble du territoire français. Les enquêtes sur les structures des exploitations agricoles sont réalisées tous les trois ans sur les périodes intercensitaires, mais elles reposent sur des échantillons, contrairement au recensement agricole qui permet une vision exhaustive. Le caractère irrigué des cultures n’est plus collecté lors des déclarations de la Politique agricole commune (PAC) des agriculteurs. Par conséquent, le registre parcellaire graphique permettant une localisation précise des surfaces ne contient plus cette information. De la même façon, l’information sur les volumes d’eau consommés n’a pas été collectée dans le cadre de recensement agricole 2020, contrairement à celui de 2010.
Nous dressons un état des lieux de l’évolution récente de l’irrigation à travers la présentation des résultats du recensement agricole 2020. Les résultats tendent vers une dynamique structurelle à la hausse de l’irrigation. Nous analysons cette dynamique au regard des cultures irriguées, des modes d’accès à la ressource en eau et de l’origine de la ressource, et des techniques d’irrigation.
Les données sont présentées à différentes échelles administratives (France métropolitaine, régions, anciennes régions – avant 2016, départements) et hydrographiques (bassins d’agence, régions hydrographiques, secteurs hydrographiques). Le rapport contient également des analyses temporelles à partir des données des recensements agricoles précédents.
Panorama de l’irrigation
La surface agricole irriguée en 2020 est de 1,8 millions d’hectares. Si l’analyse du recensement agricole de 2010 mettait en évidence une stagnation de la surface irriguée, celle de 2020 montre une reprise de l’augmentation de la surface irriguée (+ 15 %) par rapport à 2010. La surface irriguée en France métropolitaine représente 6,8 % de la surface agricole utile (SAU) nationale. Les surfaces équipées (surface pouvant être atteinte par du matériel d’irrigation à disposition dans l’exploitation ou étant équipée pour l’irrigation) représentent 2,8 millions d’hectares, soit 11 % de la SAU hexagonale. La diminution des surfaces équipées observée entre 2000 et 2010 ne se poursuit pas sur la période 2010-2020. Au contraire, les surfaces équipées sont à la hausse (+ 23 %, figure 1). L’augmentation des surfaces irriguées et équipées se constate dans la majorité des départements (figure 2).
Nous comptons plus de 81 300 exploitations équipées lors de la campagne 2019-2020, soit 21 % des exploitations. L’analyse met en évidence que, pour la première fois depuis 1970, le nombre d’exploitations équipées ne diminue pas (+ 1 %) entre 2010 et 2020 (figure 3). Ce résultat montre les différences de dynamiques entre exploitations équipées pour l’irrigation ou non, car le nombre d’exploitations non équipées a diminué de 23 % sur la même période. Plus de 71 000 exploitations ont irrigué au cours de la campagne 2019-2020, soit 18 % des exploitations. Le nombre d’exploitations irrigantes a également diminué, dans une moindre mesure (– 3 %) sur la décennie. Également, notons que 13 % des exploitations équipées pour l’irrigation n’ont pas irrigué au cours de la campagne agricole (une surface équivalente à 8 % des surfaces équipées). Elles n’étaient que 9 % des exploitations en 2010. Ce phénomène interroge sur la stratégie des exploitations qui investissent dans un équipement sans pour autant être sûres de l’utiliser. Serions-nous face à un phénomène de spéculation ?
La disparition d’un certain nombre d'exploitations, en particulier des exploitations non équipées, se traduit par l’augmentation de la taille moyenne des exploitations entre 2010 et 2020 : une hausse de la surface moyenne des exploitations équipées de 16 %, ce qui est moins marqué pour les exploitations non irrigantes (+ 23 %). À l’échelle nationale, la surface moyenne des exploitations irriguées (77 hectares) est supérieure à celle des exploitations non irriguées (67 hectares). Ce résultat peut sembler contre-intuitif car la mise en place de l’irrigation sur une exploitation nécessite de la main d’œuvre, or ce facteur humain peut limiter la surface des exploitations des irrigants. Cependant, ce résultat gomme les disparités locales pouvant exister. En outre, cette tendance diffère en fonction des cultures considérées : elle se vérifie pour les grandes cultures et la vigne, mais pas pour l’arboriculture, notamment les cultures de fruits à noyaux (tableau 1).
Maïs grain et semence | Maïs fourrage | Blé tendre | Vignes à cuve | Fruits à noyau | |
SAU moyenne par exploitation ayant irrigué en 2020 (ha) | 124 | 142 | 412 | 34 | 33 |
SAU moyenne par exploitation n'ayant pas irrigué en 2020 (ha) | 102 | 122 | 119 | 26 | 39 |
Il existe une forte hétérogénéité spatiale de l’irrigation liée à des facteurs historiques (présence des grandes sociétés d’aménagement et anciens périmètres irrigués par gravité), topographiques (plaines alluviales, grandes nappes aquifères) et pédoclimatiques. En 2020, la part de la SAU irriguée connaît une tendance à la hausse dans la majorité des départements, en particulier pour ceux de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et du pourtour méditerranéen. Également, la hausse des surfaces équipées et irriguées constatée est visible dans les territoires peu concernés par l’irrigation : la Bretagne, le Nord, l’Alsace-Lorraine. Le développement d’ouvrages de stockage et de transport pose la question d’une éventuelle substitution des prélèvements antérieurs en eaux de surfaces ou eaux souterraines dans certains territoires où le changement climatique ne permet plus ce type de pratiques.
L’évolution de l’irrigation par région et par grand bassin hydrographique
La répartition spatiale hétérogène de l’irrigation est perceptible à travers sa répartition régionale. Sur l’ensemble des treize régions, huit régions totalisent 94 % des superficies irriguées et 91 % des exploitations ayant irrigué en 2020. Les trois régions comptabilisant les plus grandes surfaces irriguées sont la Nouvelle-Aquitaine, le Centre-Val de Loire et l’Occitanie. Concernant le nombre d'exploitations équipées, la région PACA rejoint l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine dans le trio de tête. Les superficies irriguées par exploitations équipées sont disparates : 93 hectares en moyenne pour la région Centre-Val de Loire et 18,5 hectares pour la Bretagne. Les différences régionales sont dues aux types de cultures pratiquées et à leur niveau de valeur ajoutée : le seuil de rentabilité des exploitations arboricoles au sud est plus bas que pour les exploitations de grandes cultures au nord.
Les bassins de Loire-Bretagne, de l’Adour-Garonne et de Rhône Méditerranée concentrent 82 % de la surface irriguée et 76 % des surfaces équipées. Notre analyse montre une augmentation des superficies équipées en Loire-Bretagne (+ 22 %), bassin qui regroupe la plus grande surface équipée (889 835 hectares). On note un fort développement de l’irrigation sur le bassin Artois-Picardie avec une hausse de 78 % des surfaces équipées et de 35 % d’exploitations équipées sur la décennie. Les bassins de l’Adour-Garonne (10,6%) et de Rhône-Méditerranée-Corse (9,3 %) ont un taux de surface irriguée supérieur à la moyenne nationale (6,8 %). L’échelle des secteurs hydrographiques fait ressortir des territoires d’irrigation « hors-normes ». Les territoires les plus irrigués se situent dans la région des fleuves côtiers, dans le bassin de l’Adour-Garonne. Sur le secteur de la Leyre, fleuve côtier des Landes Gascogne, et des côtiers de l’embouchure de la Leyre, 9 hectares sur 10 hectares sont équipés pour l’irrigation et ont été irrigués en 2020 (figure 4).
Une évolution structurelle de l’irrigation à la hausse
L’augmentation des surfaces irriguées entre 2010 et 2020 se traduit de manière différenciée selon les cultures (figure 5). Si le maïs grain et semence reste la principale culture irriguée, ce statut s’affaiblit : elle représentait 49 % des surfaces irriguées en 2000, 41 % en 2010 et 33 % en 2020. Les surfaces irriguées de la culture de maïs grain et semence diminuent continuellement depuis 2000 (– 17 % entre 2000 et 2020), et ce, malgré une hausse des surfaces cultivées en maïs (+ 8 % entre 2010 et 2020) (figure 6). Le taux d’irrigation de la culture est en baisse (40 % en 2010, 34 % en 2020). Les surfaces des non-irrigants de maïs ont augmenté de 35 % sur cette même période, ce qui témoigne d’une demande en maïs toujours présente. Les politiques locales de gestion de l’eau (en particulier les arrêtés sécheresse) et les incitations à la diversification des cultures via la PAC pourraient être des pistes d’explication. Notons aussi une augmentation des surfaces irriguées de maïs en Bretagne, vers le Centre-Val de Loire et le Grand Est, territoires auparavant peu concernés par ce type d’irrigation.
La réduction des surfaces irriguées entre 2010 et 2020 concernent aussi les cultures de protéagineux (– 17 %) et de maïs fourrage (– 9 %). La diminution des surfaces irriguées en maïs fourrage – qui représentent 5 % des surfaces irriguées totales – se situe dans le quart sud-ouest de la France. La réduction des surfaces des cultures de protéagineux intervient dans la région Centre Val-de-Loire et en Normandie. Les surfaces irriguées des protéagineux représentaient 5 % en 2020 (7 % des surfaces en 2010).
Ainsi, en dix ans, la perte de surface irriguée en maïs – et protéagineux plus marginalement, a été plus que compensée par la hausse des surfaces irriguées de soja
Le recours à l’irrigation de certaines cultures est dépendant de facteurs conjoncturels. L’irrigation de certaines céréales à pailles – du blé tendre en particulier – est liée aux conditions climatiques printanières et influence le ratio entre surfaces irriguées et surfaces équipées qui varie d’une année à l’autre, donc d’un recensement agricole à l’autre. L’irrigation, qui joue un rôle de complément aux apports pluviométriques à ces cultures pouvant être pratiquées en pluvial, n’est pas systématique. La surface irriguée des céréales à paille (hors maïs) a augmenté de 18 % entre 2010 et 2020 et avait déjà presque doublé entre les recensements de 2000 et 2010. Le printemps 2010 ayant été particulièrement sec sur une grande partie de la France (figure 8), les exploitations qui étaient équipées pour l’irrigation ont irrigué les céréales (le blé principalement), ce qui explique le doublement de surface irriguée entre 2000 et 2010. Par contre, bien que le printemps 2020 ait été relativement moins sec qu’en 2010 (au moins dans les zones équipées pour l’irrigation), on observe un recours accru à l’irrigation. En d’autres termes, non seulement la hausse globale de l’irrigation en France est structurelle mais en plus, les irrigations printanières sur les céréales semblent également être structurelles c’est-à-dire relativement indépendantes des conditions climatiques.
De ce fait, il est intéressant d’observer les différences de bilan hydrique (calculés pour la période de février à avril à partir des données météo SAFRAN) entre 2010 et 2020 (figure 8 et figure 9). En 2010, les départements avec le plus grand nombre d’hectares irrigués se situent autour du Bassin parisien, des régions Centre-Val de Loire, Pays de la Loire et le Nord de la Région Nouvelle Aquitaine. Cela correspond aux déficits hydriques observés sur la moitié Ouest du pays. En 2020, les déficits hydriques sont localisés dans la Région PACA – en particulier les Alpes Maritimes, le Var et les Bouches-du-Rhône, ainsi que tout le long du bassin du Rhône. Si les superficies irriguées ne se distinguent pas dans cette zone, nous pouvons constater que la part de la surface équipée qui a été irriguée est forte dans la région PACA et dans le Sud de la région Auvergne-Rhône Alpes. Cette tendance se constate également pour les départements de l’ancienne région Aquitaine. Observer l’évolution des surfaces irriguées sans l’influence de l’irrigation conjoncturelle des céréales de printemps permet de confirmer que la hausse de l’irrigation s’inscrit dans une tendance structurelle.
La hausse des surfaces équipées est permise par l’accroissement des modes d’accès à l'eau collectifs et individuels
Le recensement agricole permet de connaître le mode d’accès à l’eau des irrigants. La répartition des modes est influencée par des critères pédoclimatiques. En effet, les exploitants ont eu tendance à développer des systèmes d’accès collectif à la ressource en eau dans les contextes où le développement d’infrastructures individuelles était complexe et onéreux. Les systèmes collectifs se retrouvent davantage dans la moitié sud de la France, alors que les accès individuels se retrouvent dans la moitié nord de la France et dans le Sud-Ouest (figure 10). Dans certaines zones, comme le Sud-Ouest, se trouvent des exploitations dites mixtes, qui combinent accès individuel et collectif à la ressource. La hausse des surfaces équipées est permise par l’accroissement des modes d’accès à l’eau collectifs et individuels. L’accès individuel exclusif à la ressource en eau est la modalité la plus courante (63 % des surfaces équipées), il s’agit de la modalité qui a le plus augmenté depuis 2000 (+ 20 % des surfaces équipées). L’accès collectif exclusif concerne 22 % des surfaces équipées en 2020, soit une augmentation de 12 % depuis 2000. Inversement, les surfaces équipées concernées par un accès mixte à la ressource en eau accusent une légère baisse depuis 2000 (– 5 %). Pour les exploitations en accès mixte, la part des surfaces équipées en réseau collectif et celles des surfaces équipées avec accès individuel n’est pas connue. Nous pouvons estimer qu’entre 22 % et 37 % des surfaces équipées sont en accès collectif (exclusif et mixte) et qu’entre 63 % et 78 % des surfaces équipées sont en accès individuel (exclusif et mixte). Nous comparons nos données sur l’accès à la ressource avec le recensement agricole de 2000. Effectivement, il a été démontré qu’un biais dans le guide d’entretien des enquêteurs du recensement agricole en 2010 a conduit à surestimer les surfaces en irrigation individuelle et sous-estimer les surfaces en accès collectif (Loubier et Campardon, 2015).
Le recensement agricole permet de connaître l’origine de la ressource en eau utilisée (forage, retenue collinaire, eaux de surfaces, autres, combinaisons des différentes origines) pour les exploitations qui ont un accès individuel à la ressource. En 2020, huit exploitations sur dix ont recouru à un seul type de ressources (tableau 2) : 44 % aux forages, 20 % aux eaux de surfaces, et 16 % aux retenues. En 2020, environ 12 800 exploitations équipées ont au moins une retenue individuelle (exclusivement ou en combinaison avec d’autre type d’accès), soit 25 % des exploitations ayant un accès individuel ou mixte. Nous en dénombrions 15 800 en 2010, et ceci alors que la surface équipée de ces exploitations (450 000 hectares) est restée stable entre les deux décennies. Ceci signifie que de nombreuses exploitations (après agrandissement) possèdent plusieurs retenues indépendamment du fait qu’entre 2010 et 2020, de nouvelles retenues individuelles ont très certainement été créées.
Origine de l’eau | Exploitations équipées avec accès mixte et individuel | Proportion des exploitations équipées avec accès mixte et individuel |
Forge exclusivement | 22 834 | 44 % |
Surface exclusivement | 10 621 | 20 % |
Retenue exclusivement | 8 295 | 16 % |
Autres origines et origines multiples | 10 206 | 20 % |
On distingue dans le recensement agricole trois modes d’irrigation : aspersion, gravité et micro-irrigation. Comme pour l’origine de l’eau, des exploitations peuvent avoir plusieurs modes d’irrigation. Les principales caractéristiques relatives au mode d’irrigation sont retranscrites dans le tableau 3 et la figure 11.
Mode d’irrigation | Exploitations irriguées | Part des exploitations irriguées | Surfaces irriguées | Part des surfaces irriguées | Superficies irriguées moyennes par exploitation irriguée |
Aspersion (exclusivement) | 36 559 | 51 % | 1 388 073 | 77 % | 56,5 |
Micro-irrigation (exclusivement) | 17 552 | 25 % | 124 278 | 7 % | 8,4 |
Gravité (exclusivement) | 2 961 | 4 % | 64 763 | 4 % | 29,7 |
Autres (modes combinés) principalement représenté par la combinaison micro-irrigation + aspersion | 13 997 | 20 % | 231 721 | 13 % | 22,7 |
Total | 71 069 | 100 | 1 808 835 | 100 | – |
L’irrigation par aspersion (exclusivement) est pratiquée par 51 % des irrigants et couvre 77 % des surfaces irriguées. C'est le mode d'irrigation le plus répandu, avec une superficie moyenne équipée de 56,5 hectares par exploitation.
La micro-irrigation (exclusivement) concerne 25 % des irrigants et seulement 7 % des surfaces. Principalement utilisée pour les vergers et les fruits, elle est surtout présente dans le Sud de la France et autour de la Méditerranée. La superficie moyenne équipée est de 8,4 hectares par exploitation.
L’irrigation gravitaire (exclusivement), largement présente en région PACA et anciennement Languedoc-Roussillon, est pratiquée par seulement 4 % des exploitations sur 4 % des surfaces irriguées. La superficie moyenne équipée est de 29,7 hectares par exploitation. L’irrigation gravitaire avec un accès individuel à la ressource demeure rare mais représente 10 % de la surface équipée en réseau collectif.
Conclusion
L’année 2020 marque la reprise de la croissance structurelle de l’irrigation sur le territoire métropolitain. Cette dynamique est perceptible sur plusieurs indicateurs : la surface irriguée (+ 15 %), mais surtout la surface équipée (+ 23 %), variable moins dépendante de la conjoncture climatique.
Témoin de cette dynamique structurelle, pour la première fois depuis 1970, le nombre d’exploitations équipées ne diminue pas sur la décennie tandis que le nombre d’exploitations non équipées a diminué de 23 % sur la même période. L’accès à l’irrigation est donc un facteur important de la pérennité (rentabilité, transmission ou agrandissement) d’une exploitation agricole.
En revanche, les résultats convergent vers une diminution structurelle de l’irrigation du maïs, malgré une demande soutenue puisque la surface en maïs non irrigué a fortement augmenté et vers une hausse structurelle de l’irrigation des céréales à paille.
L’irrigation se maintient voire se développe dans des régions déjà fortement équipées pour l’irrigation. C’est le cas, par exemple, de la vigne – rarement irriguée auparavant – en particulier autour du bassin méditerranéen. Cette évolution de l’irrigation de la vigne va de pair avec un développement important de la micro-irrigation autour du littoral méditerranéen. Et elle pose la question de l’allocation de la ressource en eau dans un contexte méditerranéen en proie à des contraintes sur la disponibilité de la ressource en eau accentuée par le changement climatique.
L’irrigation se développe également dans des zones encore peu irriguées telles que la Bretagne, la Normandie, les Hauts-de-France, le Grand-Est, la Bourgogne-Franche-Compté et le Massif Central. Ce développement, dans des territoires encore peu concernés par de forts déséquilibres quantitatifs, pose question quant à leur capacité future à s’adapter au changement climatique (baisse de la disponibilité et hausse de la demande en eau des cultures) et à éviter des situations de déséquilibres structurels comme ceux observés aujourd’hui sur certains bassins d’Adour-Garonne et Loire-Bretagne.
Remerciements
Ces travaux ont été réalisés grâce au soutien financier du ministère chargé de l’agriculture (SCPE – Service compétitivité et performance environnementale/SDPE – Sous-direction de la performance environnementale /BESEC – Bureau de l'eau, des sols et de l'économie circulaire/DGPE – Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises). Nous remercions Gérôme Pignard, chef de service Agreste Occitanie, pour son implication dans la mise à disposition des données du recensement agricole 2020 sur l’irrigation.
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Photo d’entête : ahavelaar – Adobe Stock
Notes
- 1. Le soja est classé dans la catégorie « cultures industrielles » dans la figure 5.
Références
- Gleysses, G., & Rieu, T. (2004). L'irrigation en France : état des lieux 2000 et évolutions, Cemagref Éditions, Antony, 60 p.
- Loubier, S., Campardon, M. & Morardet, S. (2013). L'irrigation diminue-t-elle en France ? Premiers enseignements du recensement agricole de 2010. Sciences Eaux & Territoires, (11), 12-19. doi:10.14758/SET-REVUE.2013.11.04
- Loubier, S., & Campardon, M. (2015). Les déterminants de l’évolution de l’irrigation collective – Rapport final – Convention 2012/2013 MASA-BSE/IRSTEA.
Résumé
L'analyse des données du recensement agricole de 2020 révèle une reprise de l'augmentation des surfaces irriguées et équipées en France métropolitaine, après une période de stagnation observée en 2010. En 2020, la surface agricole irriguée atteint 1,8 million d'hectares, représentant 6,8 % de la surface agricole utile (SAU) nationale. Cette dynamique est marquée par une forte hétérogénéité spatiale, influencée par des facteurs historiques, topographiques et pédoclimatiques. Les régions de la Nouvelle-Aquitaine, du Centre-Val de Loire et de l'Occitanie concentrent les plus grandes surfaces irriguées. L'étude met en évidence une diversification des cultures irriguées, avec une diminution relative de l'irrigation du maïs et une augmentation notable de celle de la vigne et des cultures industrielles. Ces résultats soulignent l'importance de l'irrigation comme réponse aux défis climatiques, tout en posant la question de la durabilité des pratiques actuelles.
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