Responsabilité élargie des producteurs (REP) : un outil pour augmenter les taux de recyclage des déchets d’emballages au Cameroun selon une application des modèles allemand, français et suédois
Face aux défis croissants de la gestion des déchets au Cameroun, la responsabilité élargie des producteurs (REP) apparaît comme un levier de financement et de structuration du secteur. Dans cet article, l’auteur évalue son potentiel pour améliorer le recyclage des emballages et limiter les décharges sauvages, à la lumière des modèles adoptés dans plusieurs pays européens. Il identifie les conditions nécessaires à sa mise en œuvre au Cameroun, notamment l’élaboration d’un cadre réglementaire adapté.
Introduction
Face à l’augmentation rapide de la population et du volume des déchets qui en résulte, les municipalités camerounaises, confrontées aux ressources budgétaires limitées, sont appelées à chercher d’autres sources de financement de leur plan de gestion des déchets municipaux (GDM). Il devient alors important que d’autres acteurs viennent en appui. À cet effet, la responsabilité élargie des producteurs (REP) constitue un instrument très important (encadré 1). La REP, en plus de constituer une im
Définition
Est considéré comme emballage, tout objet destiné à contenir et à protéger des marchandises, à permettre leur manutention et leur acheminement du producteur au consommateur/utilisateur, et à assurer leur présentation.
Selon l’Ocde, 2001, 2004, 2017, 2024) et Tojo (2004), la REP est un instrument de politique environnementale dans laquelle le producteur ou l’importateur d’un produit donné assume la responsabilité matérielle et/ou financière des effets néfastes éventuels de ce produit sur l’environnement et la santé humaine, de sa conception jusqu’à l’étape de déchet. Dans ce sens, la REP est une application du principe pollueur-payeur selon lequel les frais résultants des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur (code de l’environnement, France). En effet, le producteur est l’acteur qui détient le plus grand pouvoir de décision en ce qui concerne le choix des matières au moment de la conception des produits. En outre, il dispose des connaissances et des compétences techniques spécifiques sur les produits qu’il met sur le marché, ainsi que d’importantes ressources financières. Par conséquent, il lui revient d’assumer entièrement la responsabilité de la gestion des déchets issus de ses produits (Union européenne, 2018 ; Boutillier, 2020). Ainsi, la REP est un instrument économique qui incite les producteurs à internaliser les coûts de traitement et d’élimination, et à améliorer de ce fait la conception de leurs produits (MDDEP, 2008 ; Union Européenne, 2008, 2014 ; Région PACA, 2021).
De manière générale, la REP a pour but de :
- réduire l’utilisation de ressources et de matières premières vierges ;
- prévenir la production de déchets ;
- limiter la mise en décharge et augmenter les taux de recyclage et de valorisation ;
- réduire les incidences environnementales des produits à travers la conception de produits plus respectueux de l’environnement (éco-conception). L’éco-conception intègre notamment l’utilisation des matières ou substances à faible impact environnemental, recyclées ou non dangereuses, la réduction de la quantité de matières utilisées, la mise sur le marché des produits durables, réutilisables, faciles à réparer, à recycler ou à éliminer ;
- favoriser la mise en œuvre de l’économie circulaire.
Dans une filière à REP, le concept de producteur renvoie, selon le cas, au fabricant du produit, au premier importateur, au propriétaire de la marque, à tout acteur de la chaîne d’approvisionnement (grossiste, détaillant…).
Les types d’obligations, instruments et acteurs
Dans un système de REP, les producteurs sont soumis à plusieurs obligations d’ordre matérielle, financière, légale, ainsi qu’en termes de devoir d’information et de propriété du produit (Ocde, 2001, 2017, 2024 ; Union Européenne, 2008, 2014 ; Boutillier, 2020 ; Lindhqvist, 2000).
Dans le cadre de la responsabilité matérielle, le producteur est tenu de gérer directement ou indirectement ses produits en phase de déchet, en mettant en place le système de collecte et de valorisation.
La responsabilité financière, quant à elle, renvoie à l’obligation pour le producteur de prendre en charge l’ensemble des coûts de collecte, de tri, de traitement et d’élimination des déchets issus de ses produits.
Le devoir d’informations impose au producteur de fournir aux consommateurs des informations sur les propriétés environnementales du produit et ses effets éventuels.
La responsabilité légale : s’applique en cas d’atteintes à l’environnement ou de mise en péril de la vie ou des intérêts d’autrui, lorsque le produit en est la cause avérée.
Enfin, la propriété implique que le producteur demeure propriétaire de son produit tout au long de son cycle de vie, et par conséquent, est lié aux problèmes environnementaux éventuels causés par ce produit.
La REP peut être mise en œuvre au moyen d’initiatives volontaires des industries, d’accords négociés entre le gouvernement et l’industrie ou par des mesures législatives (Tojo, 2004).
L’OCDE (2017) distingue quatre grandes catégories d’instruments de REP : les obligations de reprise, les instruments économiques et de marché (systèmes de consigne, redevances d’élimination préalable, taxes sur les matières…), les réglementations et normes de performance, et les instruments d’information.
Tout système de REP fait intervenir notamment les pouvoirs publics, les municipalités, les producteurs, les distributeurs, les consommateurs et les acteurs impliqués dans le traitement des déchets. Pour une meilleure performance du programme de REP, l’OCDE (2001) souligne que l’imputation de la responsabilité ultime au producteur ne dispense pas pour autant les autres parties de contribuer activement à la bonne exécution du programme.
Une étude pour analyser l’intérêt d’un système de REP au Cameroun
Cette étude a pour objectif d’analyser dans quelle mesure la mise en œuvre d’un système de REP peut augmenter les taux de recyclage des déchets d’emballage au Cameroun et limiter les décharges anarchiques. De façon spécifique, cette recherche vise à :
- analyser la filière à REP en matière de déchets d’emballage en Europe (cas de la France, l’Allemagne et la Suède) et au Cameroun ;
- identifier les obstacles pour le développement de cette filière au Cameroun ;
- proposer des solutions pour une meilleure mise en place de cette filière.
Ainsi, cette recherche étudie les questions suivantes : quelles sont les obligations assignées aux producteurs, importateurs et distributeurs, en ce qui concerne la collecte, le tri, et le recyclage des emballages qu’ils mettent sur le marché, dans certains pays européens, et comment les remplissent-ils ? Quels sont les obstacles pour la mise en place d’une filière à REP pour les déchets d’emballages au Cameroun ?
Pour apporter des réponses aux questions qui sous-tendent cette étude, nous avons analysé les filières à REP en matière d’emballages en Allemagne, en France, en Suède et au Cameroun. Cette analyse a porté notamment sur l’exploitation de documents traitant de la REP en général, et l’examen du cadre légal des pays concernés, en particulier. L’analyse documentaire a été complétée par l’observation de plusieurs décharges à ordures dans les villes du Cameroun, ainsi que des entretiens avec les acteurs impliqués dans la gestion des déchets. L’étude s’est déroulée de septembre 2024 à mars 2025.
L’Allemagne, la France et la Suède ont instauré la REP depuis le début des années 1990, et cet instrument a considérablement contribué à augmenter les taux de recyclage dans ces pays. À ce jour, ces pays implémentent plusieurs filières à REP (vingt-et-une en France, dix en Suède, et plus de trois en Allemagne), parmi lesquelles la filière des déchets d’emballages – voir le code de l’environnement français et la loi allemande KrWG sur l’économie circulaire (encadré 2) ; voir aussi le site de l’Agence suédoise de protection de l’environnement (Naturvardsverket, 2024).
La REP en Allemagne, en France et en Suède
L’analyse des filières à REP en matière d’emballages dans les pays concernés porte sur les aspects suivants : le cadre normatif de la filière, les objectifs environnementaux, les acteurs impliqués et leur rôle, la gouvernance de la filière.
Le cadre légal et les objectifs environnementaux
Le tableau 1 présente le cadre légal ainsi qu’une synthèse de quelques objectifs environnementaux en France, en Allemagne et en Suède.
En Allemagne, la loi KrWG énonce le cadre général de l’économie circulaire, tandis que les lois VerpackG et DepV précisent respectivement les exigences en matière de REP pour les déchets d’emballages, et les conditions pour l’élimination finale et la mise en décharges définitives des déchets (référence des codes/lois).
En France, le code de l’environnement énonce les orientations générales en matière environnementale et de gestion des déchets, et crée l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). La loi AGEC
Bouteilles en plastique | Sacs en plastique | Papier et carton | Aluminium | Verres | Métaux ferreux | Objectifs globaux | |
France | OC = 90 % OR = 100 % ORé ≥ 50 % Tmin ≥ 30 % | OR = 100 % ORé ≥ 50 % | OR ≥ 83 % | OR ≥ 58 % | OR ≥ 88 % | OR ≥ 84 % | OR ≥ 96 % |
- code de l’environnement (dernière modification le 06 septembre 2024) ; - loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC) ; - décret n°2020-1455 du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs ; - décret n°2022-549 du 14 avril 2022 relatif à la stratégie nationale pour la réduction, la réutilisation, le réemploi et le recyclage des emballages en plastique à usage unique ; - arrêté du 7 décembre 2023 portant cahier des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie des producteurs des emballages ménagers, des imprimés papiers et des papiers à usage graphique ; - arrêté du 3 décembre 2024 portant homologation des tarifs de la redevance prévue à l’article L. 131-3 du code de l’environnement ; - stratégie 3R (réduction, réemploi, recyclage) pour les emballages en plastique à usage unique. | |||||||
Allemagne | OR ≥ 55 % Tmin ≥ 30 % | OR ≥ 55 % | OR ≥ 85 % | OR ≥ 60 % | OR ≥ 75 % | OR ≥ 80 % | OR ≥ 70 % |
- loi sur l’économie circulaire (KrWG), modifiée le 02 mars 2023 ; - loi sur les emballages (VerpackG), modifiée le 25 octobre 2023 ; - ordonnance sur les décharges (DepV), modifiée le 3 juillet 2024. | |||||||
Suède | OR ≥ 90 % ORé ≥ 30 % Tmin = 30 % | OR ≥ 55 % ORé ≥ 30 % Tmin = 30 % | OR ≥ 85 % ORé ≥ 30 % Tmin = 90 % | OR ≥ 60 % ORé ≥ 30 % | OR ≥ 90 % ORé ≥ 30 % | OR ≥ 90 % ORé ≥ 30 % | OR ≥ 70 % ORé ≥ 30 % |
- règlement de l’Agence suédoise de protection de l’environnement NFS 2020:6 du 1er juillet 2020 sur les déchets municipaux, les plans de prévention et de gestion des déchets ; - ordonnance (2021:996) du 03 novembre 2021 sur les produits jetables ; - ordonnance (2011:13) du 20 janvier 2011 sur la surveillance environnementale ; - ordonnance (2021:1002) du 08 novembre 2021 sur les frais de dépôts de déchets ; - ordonnance (NFS 2023:13) du 1er décembre 2023 relative à l’obligation de fournir des informations sur les emballages et les déchets d’emballages ; - ordonnance (2012:259) du 10 mai 2012 relative aux pénalités environnementales ; - ordonnance sur les déchets (2020:614) du 25 juin 2020 ; - ordonnance (2022:1274) du 30 juin 2022 relative à la responsabilité des producteurs en matière d’emballages. |
En dehors des objectifs qui diffèrent selon le pays, la France, l’Allemagne et la Suède ont plusieurs points communs en ce qui concerne l’implantation de la filière à REP en matière d’emballages tels que les acteurs impliqués, leur rôle, ainsi que la gouvernance de la filière.
Allemagne. «Deponieverordnung vom 27. April 2009 (BGBl. I S. 900), die zuletzt durch Artikel 3 des Gesetzes vom 3. Juli 2024 (BGBl. 2024 I Nr. 225) geändert worden ist».
Allemagne. «Kreislaufwirtschaftsgesetz vom 24. Februar 2012 (BGBl. I S. 212), das zuletzt durch Artikel 5 des Gesetzes vom 2. März 2023 (BGBl. 2023 I Nr. 56) geändert worden ist».
Allemagne. «Verpackungsgesetz vom 5. Juli 2017 (BGBl. I S. 2234), das zuletzt durch Artikel 6 des Gesetzes vom 25. Oktober 2023 (BGBl. 2023 I Nr. 294) geändert worden ist».
France. Arrêté du 3 décembre 2024 portant homologation des tarifs de la redevance prévue à l’article L. 131-3 du code de l’environnement.
France. Arrêté du 7 décembre 2023 portant cahier des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie des producteurs des emballages ménagers, des imprimés papiers et des papiers à usage graphique. Journal Officiel.
France. Avril 2022. Stratégie 3R (Réduction, Réemploi, Recyclage) pour les emballages en plastique à usage unique.
France. Code de l’environnement. (Dernière modification le 06 septembre 2024).
France. Décret N°2020-1455 du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs. Journal Officiel.
France. Décret N°2022-549 du 14 avril 2022 relatif à la stratégie nationale pour la réduction, la réutilisation, le réemploi et le recyclage des emballages en plastique à usage unique. Journal Officiel.
France. LOI N°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Journal Officiel.
Suède, Ministère de l’Environnement et de l’Énergie. «Förordning (2021:1002) om nedskräpningsavgifter».
Suède, Ministère de l’Environnement et de l’Énergie. «Förordning (2021:996) om engångsprodukter».
Suède, Ministère de l’Environnement et de l’Énergie. «Miljötillsynsförordning (2011:13)».
Suède, Ministère du Climat et de l’Entreprise. «Avfallsförordning (2020:614)».
Suède, Ministère du Climat et de l’Entreprise. «Förordning (2012:259) om miljösanktionsavgifter».
Suède, Ministère du Climat et de l’Entreprise. «Förordning (2022:1274) om producentansvar för förpackningar».
Suède. «Naturvårdsverkets föreskrifter om kommunala avfallsplaner om förebyggande och hantering av avfall ; NFS 2020:6, 1 juli 2020».
Suède. «Naturvårdsverkets föreskrifter om skyldighet att lämna uppgifter om förpackningar. och förpackningsavfall (NFS 2023:13)».
Cameroun. Décret N°2019/7358/PM du 17 décembre 2019 fixant les modalités de centralisation, de répartition et de reversement du produit du droit d’accises spécial destiné au financement de l’enlèvement et du traitement des ordures au bénéfice des Collectivités Territoriales Décentralisées
Cameroun. Loi N°2018/022 du 11 décembre 2018 portant Loi de Finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2019
Cameroun (MINEPDED). Arrêté N°004/MINEPDED/MINCOMMERCE du 24 octobre 2012 portant réglementation de la fabrication, de l’importation et de la commercialisation des emballages non biodégradables.
Acteurs majeurs et gouvernance de la filière
Les pouvoirs publics
En Allemagne, en France et en Suède, les principaux acteurs du secteur public intervenant dans la filière à REP sont notamment les ministères en charge de l’environnement, des finances, des collectivités, et du commerce. Aux côtés de ces ministères, des structures (agences) de coordination et d’encadrement technique de la filière sont mises en place. Ces structures sont : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en France, l’Agence suédoise de protection de l’environnement (Naturvardsverket) en Suède et l’Agence allemande pour l’environnement (Umweltbundesamt) en Allemagne. Les agences exercent notamment des actions d’orientation, d’information et d’incitation financière dans le domaine de la gestion des déchets.
Sur le plan stratégique, les acteurs du secteur public impliqués élaborent le cadre normatif régissant la filière à REP et le plan national de prévention des déchets, fixent les objectifs environnementaux à imposer aux producteurs. Dans la pratique, les pouvoirs publics enregistrent les producteurs soumis à la REP, agréent les éco-organismes et les unités de traitement et élaborent leur cahier des charges. Ils assurent aussi le suivi et la surveillance de la filière, ainsi que la collecte, le traitement et la diffusion des données nécessaires pour la bonne implantation de la filière.
Les collectivités locales
Les collectivités élaborent un programme local de prévention des déchets, veillent à son application, et mettent à disposition des producteurs les espaces nécessaires pour l’aménagement des points de collecte et de reprise. Elles peuvent également construire des déchetteries municipales. Dans ce cas, elles sont tenues de permettre aux structures de traitement d’utiliser ces espaces comme lieux de collecte, de récupération et de retraitement des déchets. En outre, sur la base d’une convention avec certains éco-organismes, les communes peuvent également assurer la collecte sélective des déchets, la sensibilisation des ménages et la collecte des informations.
Les producteurs
De manière générale, les producteurs s’acquittent de leur obligation de REP en mettant en place collectivement ou en adhérant à une structure à but non lucratif appelée organisation de producteurs responsables (OPR) ou éco-organisme. Les producteurs transfèrent aux OPR leurs obligations et en assurent la gouvernance. Les coûts de fonctionnement de l’éco-organisme sont entièrement couverts par les redevances versées par les producteurs adhérents appelées éco-contribution. En effet, les OPR/éco-organismes sont des structures de modération, de coordination et d’harmonisation de la filière à REP.
Néanmoins, certains producteurs peuvent mettre en place un système individuel de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits.
Pour remplir les obligations transférées par les producteurs, l’éco-organisme élabore et met en œuvre un plan de gestion des déchets. À cet effet, il organise et finance l’ensemble des activités de la filière telles que la recherche et l’accompagnement technique des producteurs soumis à la REP, la sensibilisation, la contractualisation et l’encadrement des autres acteurs de la filière, et la reprise des produits en fin de vie.
Le tableau 2 présente les obligations majeures des producteurs en France, en Allemagne et en Suède.
Obligation | Commentaires |
Recherche et accompagnement des producteurs soumis à la REP | L’éco-organisme identifie les producteurs soumis à la REP et met en œuvre des démarches en vue de faciliter leur adhésion auprès de lui. Il dénonce auprès de l’Administration les producteurs qui ne remplissent pas leur obligation (adhésion et paiement de l’éco-contribution) (« passagers clandestins »). L’éco-organisme est tenu d’accepter l’adhésion de tout producteur qui remplit les conditions requises. En France, au moins 1 % du montant des contributions que l’éco-organisme perçoit est consacré à l’accompagnement des producteurs. |
Soutien de l’éco-conception | En France, 1,5 % du montant total des contributions perçues par l’éco-organisme est utilisé pour soutenir la recherche et l’innovation pour le développement de l’éco-conception, 30 % pour le développement de solutions de réemploi et réutilisation des bouteilles pour boissons. |
Sensibilisation et devoir d’information | Il s’agit notamment de : – transmettre aux autorités les données de la filière (quantité des produits mis sur le marché et parts de marché des adhérents, taux de collecte, de tri et de recyclage, recettes et dépenses, taux de couverture géographique, coût de collecte et de traitement, fréquence de collecte, moyen de transport, mode de traitement, destination des déchets, etc) ; – fournir aux consommateurs et aux autres acteurs de la filière les informations sur les propriétés environnementales des produits, leur permettant d’évaluer notamment les mesures d’éco-conception déployées ainsi que les options de traitement ; – divulguer les coordonnées des centres de collecte, de reprise, et de traitement, ainsi que les modalités relatives. En France, au moins 2,5 % du montant total des contributions perçues par l’éco-organisme sur la durée de son agrément sont consacrés à l’information, la communication et la sensibilisation des consommateurs et des opérateurs de traitement. |
Financement des activités des autorités (agence et collectivités) | Il s’agit des activités de l’agence liées à sa mission de suivi et d’observation de la filière, et celles menées par les communes dans la gestion des déchets (tri, collecte, transport et traitement, aménagement et entretien des infrastructures de collecte, sensibilisation…). En France, le montant de la redevance versée par chaque OPR et les systèmes individuels pour le financement des missions de l’ADEME est de 1,911 € + 0,316 €/tonne d’emballages mis sur le marché pour les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages, et 1,911 € + 0,211 €/tonne d’emballages mis sur le marché pour les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels. |
Contractualisation, suivi et encadrement des autres acteurs (collectivités, structures de traitement) | L’éco-organisme conclut des conventions avec les collectivités et les structures de traitement, et s’assure que ces acteurs respectent les objectifs de collecte et de recyclage fixés par les autorités. De même, il doit s’assurer que les emballage mis sur le marché sont effectivement collectés, recyclés ou réutilisés conformément aux standards, et veiller à leur traçabilité jusqu’au recycleur ou utilisateur final. |
Obligation de reprise | Mise sur pied et équipement des points de collecte de proximité. Reprise sans frais, mais possibilité d’instituer une consigne. L’Allemagne applique une consigne d’au moins 0,25 € pour les bouteilles en plastique à usage unique. En France, la consigne varie selon la capacité de l’emballage, allant de 0,10 à 100 €. |
Les contraintes pour l’implémentation d’une filière à REP en matière d’emballages au Cameroun
Les défaillances du secteur
Au Cameroun, le secteur des déchets est confronté à plusieurs contraintes infrastructurelles, techniques, financières et administratives susceptibles de menacer l’implantation d’une filière à REP. Ces difficultés ont été analysées par Monebene (2024).
En effet, la politique des déchets au Cameroun se concentre davantage sur le ramassage d’ordures, au détriment de la mise en place des mesures préventives et d’outils tels que la REP qui permettent de réduire en amont la quantité des déchets. Les autorités ne perçoivent pas l’importance de préserver les matières recyclables de la contamination. Ce qui explique le fait que la séparation des déchets à la source n’est pas appliquée. Les emballages recyclables mis en décharge se retrouvent mélangés avec les déchets organiques en décomposition, ce qui les détériore et rend difficile leur traitement (photo 1). Dans ces conditions, tous les efforts de recyclages déployés par les producteurs pourraient s’avérer inutiles.
Photo 1. Illustration d’une décharge à ciel ouvert au lieu-dit Ange Raphaël-Campus (Douala).
En outre, l’implantation de la filière à REP pourrait être menacée par les restrictions imposées aux sociétés de traitement dans les opérations de collecte. En effet, le ramassage d’ordures dans les métropoles est principalement assuré par la société Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM), un partenaire historique et seul opérateur dans ce domaine au Cameroun de 1969 à 2023. Ce qui place cette société dans une situation de domination. En 2025, les mairies des principales villes du pays ont renouvelé leurs contrats avec HYSACAM pour une durée de cinq ans. Sur la base de ces contrats, HYSACAM détient l’exclusivité de l’exploitation des déchetteries municipales. Les autres structures de traitement ont l’interdiction d’effectuer les opérations de collecte dans ces lieux vers lesquels sont pourtant acheminés une très grande quantité des déchets d’emballages. Tout contrat éventuel entre un éco-organisme et ces structures serait difficile à mettre en œuvre, à moins d’envisager la mise en place d’un système de collecte porte-à-porte (Monebene, 2024).
Cette restriction prive ces structures d’une importante quantité de déchets recyclables, et constitue un obstacle à leur compétitivité. Dans ces conditions, HYSACAM devient la seule société susceptible de signer des conventions avec les producteurs pour la collecte et le recyclage. Cependant, la situation de monopole qui en résulterait dans la filière pourrait perturber l’équilibre concurrentiel dans les marchés en général. Pour cette raison, l’OCDE (2017) recommande aux autorités de favoriser la concurrence dans la mise en place des mesures de REP.
Enfin, bien que les obligations liées à la REP incombent principalement aux producteurs, importateurs et distributeurs, le succès de la filière repose sur l’implication de tous les acteurs, parmi lesquels les producteurs de déchets. Au Cameroun, les populations ne sont pas suffisamment sensibilisées sur les questions relatives à l’économie circulaire, et s’impliquent de moins en moins dans les opérations de gestion des déchets. Certains estiment que cette activité incombe exclusivement aux communes.
L’absence d’un cadre juridique spécifique
Au Cameroun, il n’existe pas un cadre légal spécifique en matière de REP, ni une filière à REP véritablement développée pour les déchets d’emballages. Néanmoins, quelques aspects de la responsabilité des producteurs sont contenus dans l’arrêté n°004/MINEPDED/MINCOMMERCE du 24 octobre 2012 portant réglementation de la fabrication, de l’importation et de la commercialisation des emballages non biodégradables.
Ce texte exige notamment aux producteurs, importateurs ou distributeurs de ce type d’emballages :
- d’élaborer et mettre en œuvre un plan de gestion des emballages issus de leurs produits, précisant les mesures pour limiter les déchets, promouvoir la réutilisation, le recyclage, ainsi que d’autres formes de valorisation ;
- de mettre en place un système de consigne en vue de faciliter le retour des emballages, et de s’assurer que ceux-ci sont effectivement collectés, recyclés ou éliminés de façon écologiquement rationnelle, et d’assurer la traçabilité de ces opérations.
Cependant, l’observation des multiples décharges à ciel ouvert qui se développent dans les métropoles camerounaises révèle la présence d’une quantité importante de déchets d’emballages. Cette situation révèle ainsi des défaillances notables dans les obligations des producteurs.
En effet, dans une filière à REP, le cadre juridique précise les objectifs environnementaux (collecte, recyclage, réutilisation et réemploi…), met en place les organes de suivi et de surveillance de la filière, définit leurs rôles et les interactions.
Du fait de l’absence d’un cadre juridique dans la filière à REP en matière d’emballages au Cameroun, ces organes de surveillance sont inexistants, et les objectifs de prévention et de recyclage non définis. Cette absence de mesures contraignantes pousse plusieurs producteurs à se soustraire à leurs obligations dans la gestion des déchets issus de leurs produits, et à délaisser cette activité aux municipalités.
Le manque d’implication des producteurs dans la gestion de leurs produits en fin de vie pourrait également s’expliquer par le fait que ceux-ci paient un droit d’assises spécial destiné au financement de l’enlèvement et du traitement des ordures. Ce droit d’assise, institué par la loi de finances du Cameroun pour l’exercice 2019, est fixé au taux de 0,5 % de la base imposable de toutes les marchandises importées. Le décret du 17 décembre 2019 répartit le produit de cette taxe en accordant 10 % à l’État au titre de frais d’assiette et de recouvrement, et 90 % aux collectivités territoriales décentralisées (CTD).
Toutefois, il est important de rappeler que dans son principe, la REP fixe la responsabilité des producteurs aux niveaux financier et matériel. Sur le plan matériel, l’une des obligations du producteur consiste à s’assurer que tous les emballages qu’il met sur le marché soient effectivement collectés et recyclés par les opérateurs qu’il désigne à cet effet.
Ainsi, le paiement du droit d’assise mentionné plus haut ne décharge pas pour autant les producteurs de l’obligation de veiller à la traçabilité de leurs produits en fin de vie.
Aussi, la base ainsi que la répartition de cette taxe soulèvent quelques observations. Tout d’abord, elle est prélevée uniquement sur les produits importés, et ne prend pas en compte ceux fabriqués localement qui génèrent aussi une quantité importante de déchets d’emballages. En outre, elle est reversée aux collectivités dont l’activité principale est l’enlèvement des ordures et la mise en décharge, au détriment des structures de traitement qui s’occupent concrètement du recyclage. Dans ces conditions, ce droit d’assises favorise davantage la mise en décharge définitive, au détriment de la valorisation, ce qui est contraire à la hiérarchie des déchets. Dans le même sens, plusieurs acteurs indiquent que depuis son institution, cette taxe est souvent reversée aux collectivités avec un retard.
Quoi qu’il en soit, cette taxe sera davantage efficace si les CTD l’utilisent pour financer les activités liées à la promotion du tri à la source et la collecte sélective, la sensibilisation des populations, la construction et aménagement des points de collecte adaptés. Ces activités contribuent directement à la bonne implantation d’une filière à REP.
Conclusion
Depuis le début des années 1990, les systèmes de REP implémentés dans plusieurs pays à travers le monde ont considérablement contribué à transférer vers les producteurs la responsabilité matérielle et financière du traitement des déchets issus des produits qu’ils mettent sur le marché, à limiter la mise en décharge, et à accroître les taux de recyclage. En France, en Allemagne et en Suède par exemple, l’implantation de la filière à REP en matière d’emballages a été facilitée par certaines mesures gouvernementales telles que la fixation des objectifs environnementaux clairs, la restriction de la mise sur le marché de certains produits, l’imposition du tri à la source et la collecte sélective, l’interdiction de la mise en décharge et de l’incinération des emballages recyclables ou réutilisables, l’ouverture du marché du recyclage à la concurrence, et l’instauration d’un système de sanctions. Ces résultats positifs laissent voir en la REP un instrument indispensable pour booster les efforts des autorités en charge de la GDM au Cameroun, confrontées au manque de ressources budgétaires, à la prolifération des décharges à ciel ouvert et à une défaillance du marché du recyclage.
Cependant, l’implantation de cet outil au Cameroun se heurte à plusieurs contraintes liées aux défaillances du secteur, et à l’absence d’un cadre légale spécifique.
Dans le but de développer une filière à REP en matière d’emballages au Cameroun, il semble nécessaire que les autorités :
- renforcent le cadre réglementaire, afin de mettre en place tous les organes de coordination nécessaires pour animer la filière ;
- fixent clairement les objectifs de collecte, de prévention, de réutilisation et de recyclage à imposer aux producteurs ;
- développent le marché du recyclage et favorisent la concurrence pour l’ensemble des activités liées à la gestion des déchets ;
- déploient l’ensemble des instruments de gestion des déchets disponibles, tels que les taxes, les subventions, et les autres mesures incitatives et dissuasives ;
- imposent le tri des déchets à la source ;
- sensibilisent les ménages sur les thématiques liées à la gestion des déchets.
Pour une meilleure efficacité de la politique de GDM en général, il est important que les pouvoirs publics envisagent la mise en place des filières à REP pour tous les types de déchets.
Notes
- 1. OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques.
- 2. Loi AGEC : loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.
Références
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Résumé
Longtemps confrontées à la multiplication des décharges illégales et au manque de ressources budgétaires, les autorités camerounaises cherchent des solutions pour financer la gestion des déchets municipaux. À cet effet, la responsabilité élargie des producteurs (REP) constitue un outil incontournable. La présente étude vise à analyser dans quelle mesure la mise en place de la REP peut augmenter les taux de recyclage des déchets d’emballages et limiter les décharges anarchiques au Cameroun. Elle explore les obligations imposées aux producteurs pour la gestion des déchets résultant de leurs produits, dans certains pays qui implémentent avec succès une filière à REP en matière d’emballages. Cette étude révèle que dans ces pays, les producteurs sont soumis à l’obligation de financer entièrement la collecte et le traitement des déchets issus des produits qu’ils mettent sur le marché. Toutefois, l’implémentation d’une filière à REP en matière d’emballages au Cameroun pourrait se heurter à plusieurs contraintes liées à l’absence d’un cadre légale spécifique, et aux défaillances du secteur des déchets de façon globale. Pour mettre sur pied cette filière, il est recommandé aux autorités de renforcer le cadre réglementaire, indispensable pour organiser celle-ci.
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