Les infrastructures bocagères pour la biodiversité
Chapeau
La biodiversité est actuellement peu intégrée dans la réflexion autour de la conservation du bocage et l’élaboration de plans de gestion individuels des haies. Le projet « Bocage et biodiversité » mené en étroite coopération entre chercheurs et gestionnaires sur le bassin versant du Léguer, dans les Côtes d’Armor, a permis de développer et tester deux outils appropriables et utilisables à plusieurs échelles pour évaluer le potentiel d’accueil de la biodiversité du bocage. L’un concerne l’état des haies et le second l’état du réseau de haies. Les outils ont ensuite été testés avec succès sur quatre autres sites bretons, puis dans le Gers. La biodiversité était représentée par le groupe des coléoptères carabiques en Bretagne et l’avifaune dans le Gers.
Les enjeux
Au cours des dernières décennies, en particulier avec l’impulsion de l’écologie du paysage (Forman & Baudry, 1984), les connaissances relatives aux facteurs régulant la biodiversité dans les bocages se sont accumulées. Cependant, la recherche s’est peu focalisée sur l’articulation entre haie et réseau bocager. Ces échelles correspondent à des acteurs différents, l’agriculteur gère les haies, les aménageurs (les collectivités, par exemple) définissent des politiques et des plans d’aménagement ou de conservation.
Dans cet article, nous proposons une méthode pour articuler les échelles de la haie et du paysage. Elle a été construite dans le cadre d'un projet alliant recherche et action : le projet, « Bocage et biodiversité » réalisé sur le bassin versant du Léguer (Côtes d'Armor). La demande formulée à la recherche était de traduire la fonctionnalité des continuités bocagères pour la biodiversité. L'équipe de gestionnaires souhaitait développer en parallèle une méthode d'évaluation du potentiel d'accueil de la biodiversité des haies. Le cadre général de départ était la définition d'indicateurs pour l'intégration de la préservation de la biodiversité au sein des bocages en lien avec leur valorisation économique
L’articulation entre science et action constitue un autre enjeu. Pour les chercheurs, il ne s’agit pas seulement de fournir une expertise pour traiter une question. Il faut aussi prendre en compte la diversité des situations d’actions et intégrer les connaissances et le savoir-faire des gestionnaires. Dans ce sens, travailler directement avec les acteurs pour formaliser, partager, transmettre les connaissances et les méthodes est essentiel. C’est-à-dire qu’il y a non seulement co-construction, mais aussi co-apprentissage. Le projet (financement FEDER
Nous présentons le projet « Bocage et biodiversité », socle de notre coopération : les bases scientifiques et méthodologiques, puis le test régional. Enfin, nous présentons un test de notre méthode hors du Massif Armoricain, dans le Gers.
Le projet « Bocage et biodiversité »
Le projet « Bocage et biodiversité » a permis de développer et tester deux métriques : l’une, la note « biodiversité » du PGDH
En ce qui concerne la première métrique, la note PGDH repose sur neuf critères de description de la physionomie des haies dans les différents étages qui la constitue. Une pondération est tout d'abord appliquée à partir de données issues de la bibliographie (ex : Graham et al., 2018), puis elle est validée à partir de relevés biologiques pour donner une note d'état d'accueil globale. Les principales composantes de cette métrique sont présentées dans la figure 1.
Figure 1 – Schéma d’une haie et des critères relevés lors de la réalisation d’un plan de gestion durable des haies.
C1 : embase ; C2 : présence et largeur ourlet enherbé ; C3 : lianes présentes dans étages 1 et 2 ; C4 : présence et continuité des étages 1 et 2 (0,3 à 2 m) ; C5 : présence et continuité des étages 3 (2 à 7 m) et 4 (> 7 m) ; C6 : largeur de la canopée ; C7 : diversité des essences ; C8 : espèces d’intérêt territorial ; C9 : habitats spécifiques.
Comme seconde métrique, les chercheurs en écologie du paysage utilisent l'indice du grain bocager pour qualifier les réseaux de haies. Il est basé sur la capacité potentielle de ces réseaux à plus ou moins réguler le microclimat des parcelles et des haies environnantes (figure 2). Les bioclimatologistes ont, depuis longtemps, étudié les effets microclimatiques des haies et autres brise-vents selon la distance à ceux-ci (Guyot, 1975). Leurs effets se font sentir sur une distance égale à dix fois leur hauteur. Pour une zone donnée, portion de paysage, le grain bocager varie de « 0 » (toute la zone est boisée) à « 1 » (aucun boisement). Pour calculer le grain, nous utilisons, la distance aux boisements (haies et autres boisements), en considérant qu’au-delà de 100 m (dix fois la hauteur moyenne des haies), il n’y a plus d’effet. Le grain, en prenant en compte une fenêtre de 350 m de diamètre autour du point d’échantillonnage, est :
Grain = (Pc2 + 2 x Pc3 + Pc4) / (3 – 2 x Pc4)
Pc = proportion du paysage compris dans les différentes classes de distance.
2 = 0 < distance = 50 m ; 3 = 50 < distance = 100 m et Pc4 > 100 m).
Figure 2 – Principe du grain bocager.
a – La structure du réseau, son grain. Effet microclimatique : 1 : les haies parallèles sont proches (grain fin), leurs effets traversent toute la parcelle ; 2 : la distance entre les haies est plus importante (grain grossier).
b – Ce schéma montre pourquoi il faut prendre en compte la forme des mailles bocagères. Pour une même longueur de haie, la proportion de surface de la parcelle située à plus de 100 m de la haie est de 25 % dans un carré et seulement de 14 % dans un rectangle.
Pour calculer le grain, nous avons utilisé les cartes de boisement en surfacique produites par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), la BD TOPO®. Les haies sont représentées par la projection au sol de leur strate supérieure (surface d’emprise). Contrairement aux cartes représentant les haies comme des polylignes (symbolisant une haie), cette représentation surfacique est plus réaliste car elle prend en compte la largeur des houppiers et la présence de trouées et discontinuités.
Pour tester la pertinence de ces métriques, au niveau de la haie et du réseau, nous avons utilisé des dispositifs de piégeage de coléoptères carabiques comme proxy de biodiversité. Ce groupe est largement utilisé en écologie du paysage (Baudry et Burel, 2019). Ni la collecte, ni la détermination des espèces ne posent de problèmes particuliers. Pour la détermination nous avons utilisé la clé https://www.inrae.fr/actualites/identification-carabidae-grace-nouvel-outil-web-cle-determination-carabisad. Le sous-ensemble d’espèces à affinité forestière a été défini à partir des informations issues de la clé de détermination.
Tests 1 – Bocage et coléoptères carabiques en Bretagne
Tests sur les liens biodiversité et grain bocager
Le grain bocager n’est pas un concept connu des gestionnaires. Pour concrétiser ce concept dans le but d’en montrer l’intérêt, nous avons réalisé une carte du grain bocager sur le territoire de Lannion-Trégor Communauté, puis l’avons confrontée au terrain.
Pour valider la relation entre grain bocager et abondance des carabiques forestiers, nous avons utilisé les données disponibles sur la zone atelier de Pleine-Fougères (Ille-et-Vilaine, photo 1)
Photo 1 – Vue aérienne montrant la diversité des réseaux bocagers sur le site de Pleine-Fougère.
Crédit photo : Air Papillon, https://www.air-papillon.com/
Nous y disposons de cinq années de relevés de carabes. Sur la figure 3, un effet de seuil apparaît clairement. Au-delà d'une certaine valeur de grain bocager, correspondant à une ouverture du paysage, l'abondance des carabes forestiers chute. Pour préciser ce seuil, nous avons utilisé la technique de l'arbre de régression. L'objectif est de partitionner l'ensemble de départ, ici les relevés de carabes, de façon à maximiser la différence entre deux classes d'abondance, en fonction de la valeur du grain. Pour homogénéiser les données issues de plusieurs années de suivi, nous avons choisi d'évaluer l'abondance avec le nombre de captures par semaine de piégeage. Deux ensembles de relevés ont été distingués de part et d'autre d'une valeur de grain de 0,34. L'abondance est double pour un grain fin (< 0,34) par rapport à un grain grossier (> 0,34). Quelques points montrent toutefois une abondance importante en bocage à grain grossier, ce qui témoigne des multiples facteurs, dont le grain bocager, qui contrôlent l'abondance des carabiques forestiers. Notamment, la gestion des haies et l'histoire récente du bocage (Lenoir et al., 2021) sont aussi des facteurs essentiels. Ainsi, suite à des arasements importants, une haie ayant une population importante de carabiques va se retrouver dans un grain bocager grossier alors que la perte de biodiversité sera progressive, sur plusieurs années.
Figure 3 – Relation entre le grain bocager et l’abondance des carabes forestiers sur la zone atelier Armorique (site de Pleine-Fougères).
Tests sur les liens biodiversité, grain bocager et PGDH sur un ensemble de sites bretons.
Une méthodologie d’acquisition d’un résultat de recherche, reposant sur un protocole strict, un recueil de données toujours effectué par le même technicien, si elle permet de valider une question scientifique (par exemple, la relation entre grain bocager et biodiversité des carabes), n’est pas forcément facilement transférable auprès des acteurs de terrain. Ainsi, nous avons voulu la confronter à un autre type de recueil de données, utilisant un protocole pouvant être mis en œuvre dans le cadre d’une opération d’aménagement sur un territoire de l’ordre d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Un protocole simplifié, homogène, dans tous les territoires partenaires, a été défini pour le piégeage de carabes dans la haie, son interface haie/parcelle et la parcelle adjacente. Seuls les piégeages dans la haie et au pied du talus sont utilisés dans les analyses qui suivent. Le choix des haies à échantillonner a été fait en fonction de : i) critères globaux de structure : un équilibre entre haies en bon état (végétation arbustive et arborescente dense et continue) et en mauvais état (végétation ligneuse éparse) a été recherché ; ii) l’utilisation de la parcelle adjacente (prairie permanente, blé en agriculture conventionnelle et en agriculture biologique) et iii) du volontariat des agriculteurs. Le test a été conduit sur six territoires bretons : Lannion-Trégor Communauté (Côtes d’Armor), Lamballe Terre et Mer (Côtes d’Armor), Loudéac Communauté Bretagne Centre (Côtes d’Armor), Syndicat du bassin versant de l'Elorn (Finistère), Syndicat mixte du Grand Bassin de l’Oust (Morbihan) et la zone atelier Armorique (Ille-et-Vilaine). Au total, 116 haies ont été échantillonnées entre 2016 et 2018. Au total,14 389 carabes ont été recueillis appartenant à 135 espèces différentes, dont 12 espèces à affinité forestière.
Nous considérons qu’il est plus pertinent d’utiliser l’abondance d’un groupe écologique (les carabes forestiers) plutôt qu’une liste d’espèces. En effet, une seule espèce, la féronie noire (Abax parallelipipedus) est présente dans l’ensemble des sites. Les autres espèces à affinité forestière sont Agonum nigrum D., Carabus auronitens F. Carabus intricatus L., Carabus problematicus H., Elaphrus riparius L., Platynus assimilis P., Notiophilus rufipes C. Oodes helopoïdes F., Pterostichus niger S., Synuchus vivalis I. C’est le cumul des captures sur les différents sites qui fait la biodiversité régionale.
Nous avons procédé à une analyse par arbre de régression en utilisant les deux variables grain et PGDH. Elle a partitionné l’ensemble des relevés d’abord selon la valeur du grain. Puis seul les relevés à grain fin ont été partitionnés selon la valeur du PGDH.
Pour la phase de partition des relevés selon le grain bocager, nous avons conduit la même analyse qu’avec les données issues du protocole scientifique de Pleine-Fougères et le résultat est équivalent. De part et d’autre du seuil de grain de 0,35, on a 15,63 carabes forestiers capturés, en moyenne par haie sur une durée de trois semaines, pour le grain le plus fin et 7,45 pour le grain le plus grossier. La discussion revient sur la robustesse de la méthode.
Toutes les haies échantillonnées dans cette phase ont été évaluées quant à leur qualité (note PGDH). Nous avons cherché si un seuil de valeur de note PGDH peut aussi partitionner les haies échantillonnées. Ce seuil apparait à la note 55 (la note PGDH varie entre 0 et 100).
Ceci nous a permis de proposer une figure combinant le grain bocager, la note PGDH et l’abondance (activité-densité) des carabes forestiers (figure 4). La richesse répond à des seuils très proches de ceux de l’abondance.
Figure 4 – Effets combinés du grain bocager et du PGDH sur l’abondance des carabes forestiers dans les haies.
Les cercles sont les relevés dans l’espace « grain X PGDH ». Les isolignes correspondent aux valeurs d’abondance. L’abondance (activité-densité moyenne) des carabes forestiers capturés est de 18,3 en secteur 1, 13,8 en secteur 2 et 7,5 en secteur 3. La richesse spécifique est respectivement 4,5, 4,5 et 3,3 espèces en moyenne pour trois semaines de capture.
Le résultat essentiel de cette dernière analyse peut se résumer ainsi : l’abondance des carabes forestiers résulte des effets combinés de la qualité des haies (et donc de leur gestion) et du paysage (le réseau bocager). Dans un grain grossier, la qualité des haies ne joue pas significativement. Elle est essentielle dans un grain fin. Ce résultat est évidemment très important pour l’aménageur et le gestionnaire.
La richesse diminue moins que l’abondance. Le nombre total d’espèces de carabes forestiers variant d’un site à l’autre, il faudrait un nombre plus important de relevés pour comparer leur richesse en espèces au total potentiel selon la qualité des haies et du paysage.
Mais il n’y a pas que des carabes forestiers dans les haies, il y a aussi les carabes qui utilisent les cultures, essentiellement pour y trouver des proies (pucerons, limaces).
En reprenant les mêmes variables environnementales (PGDH, grain), nous avons analysé les variations d’abondance de ces carabes des cultures présents dans les haies. Sans surprise, ils sont plus abondants là où les carabes forestiers le sont le moins. Les espaces ouverts de cultures annuelles bénéficient de ce phénomène – même s’il est à noter que la présence de haies peut jouer un rôle important de refuge hivernal pour les carabes des cultures. Cet antagonisme, partiel, entre espèces d’intérêt de conservation et espèces auxiliaires mérite d’être exploré plus avant pour évaluer les territoires et notamment, mieux concilier biodiversité et agriculture.
Conclusion sur les coléoptères carabiques dans les bocages
Ces analyses, simples, de la distribution des carabes trouvés dans les haies indiquent qu’elles constituent des infrastructures contribuant à la biodiversité. La mosaïque paysagère constituée par les haies et leurs réseaux résulte en une mosaïque de biodiversité. Il est illusoire de vouloir gérer la biodiversité du bocage en ne prenant en compte qu’une seule composante, qualité de la haie ou réseau bocager.
Test 2 – Dans une autre région, avec un autre groupe biologique, les passereaux dans le Gers
La Fédération des chasseurs du Gers a repris le concept de combiner PGDH et grain bocager pour analyser leurs effets sur les populations d’oiseaux nicheurs dans la région de l’Astarac. C’est une région naturelle située au sud du département du Gers. Elle est très vallonnée avec de nombreux bosquets. C’est une région d’élevage avec des zones de grandes cultures.
Au sein de cette sous-entité naturelle gersoise de 20 000 ha, 150 haies ont été sélectionnées selon un gradient de grain bocager et ont fait l’objet d’une description selon les critères « biodiversité » du PGDH. Des inventaires aviaires par « échantillonnages ponctuels simples » ont par la suite été réalisés entre le 20 mai et le 15 juin 2021 afin de décrire les cortèges fréquentant ces habitats. Toutes les espèces d’oiseaux fréquentant les haies ont été recensées, tant les espèces qualifiées d’ordinaires que celles à statut de protection.
Les résultats sont similaires à ceux obtenus en Bretagne avec les carabes. Un grain bocager fin favorise les oiseaux forestiers et un grain grossier les espèces agricoles.
Discussion
Elle porte sur quatre points. Le premier concerne les acquis, le deuxième le domaine de validité en termes de paysage, le troisième la question des seuils et leur usage dans la pratique. Le dernier discute de la dynamique du groupe de recherche et de son extension. Dans cette discussion, il faut garder en tête que notre objectif n’était pas tant d’accroitre la connaissance sur les carabes ou les oiseaux, que de tester des métriques qui peuvent être utilisées pour analyser un paysage bocager dans une perspective de gestion et d’aménagement.
Les acquis
La combinaison du grain bocager et du PGDH constitue un outil performant pour comprendre la biodiversité des bocages étudiés. Ceci requiert, pour les équipes d’opérateurs un minimum de connaissances sur le PGDH (https://afac-agroforesteries.fr/formation-et-agrement-pgdh/) et en géomatique pour calculer le grain avec CHLOE-métriques paysagères (https://www6.rennes.inrae.fr/bagap/PRODUCTIONS/Logiciels) et une compétence naturaliste sur un ou des groupes composés d’espèces ayant une diversité d’habitats. Nous montrons que cette diversité d’habitats combinant caractéristiques des paysages et des haies favorise différents groupes d’espèces, espèces à affinité forestière ou espèces de milieux ouverts. Il faut noter que l’effet paysager requiert d’être présent, a minima, sur des surfaces de 350 m de rayon, soit environ 12 ha. En pratique, il est préférable d’avoir des surfaces plus grandes (plusieurs dizaines d’hectares) pour chaque niveau de grain bocager.
La méthode présentée peut être mise en œuvre pour des diagnostics et diverses situations d’action (gestion des haies d’exploitations agricoles, politique Trame verte et bleue sur EPCI, aménagements de périmètres de protection de captage d’eau potable, atlas de biodiversité communal etc.).
Ces deux métriques (PGDH, grain) bien que mesurées l’une sur le terrain, l’autre sur une carte, possèdent deux caractéristiques communes. La première est d’être des indices, donc des mesures relatives, non des mesures absolues. Ceci facilite leur mise en relation, puisque le minimum et le maximum sont fixes. La seconde, essentielle, est d’être facile à visualiser. Tout un chacun peut visualiser des haies plus ou moins boisées, un paysage avec des parcelles de tailles et de formes différentes. Ceci favorise grandement leur appropriation par les acteurs de terrain, comme nous avons pu le vérifier dans divers autres projets.
Pour les références en matière de biodiversité, l’utilisation de groupes biologiques (espèces forestières, agricoles, etc.) a deux avantages. Le premier est qu’il est simple d’ajouter des espèces en fonction des variations biogéographiques. Le cas de la variabilité des carabes d’un site à l’autre en est la démonstration. Le second avantage est de pouvoir utiliser une diversité de groupes biologiques. Ici, les carabes et les oiseaux donnent des résultats comparables. Cela signifie qu’une diversité de compétences naturalistes peut être valorisée. En Bretagne, les résultats obtenus avec les plantes sont similaires à ceux des carabes.
En Bretagne, cette recherche a aussi permis de mettre en évidence l’hétérogénéité de la distribution des espèces de coléoptères carabiques, donc l’importance de la biodiversité hors des aires protégées. Ce qui implique une gestion de la biodiversité de l’échelle de la haie à celle de la Région.
Il est donc nécessaire de maintenir des zones bocagères à grain fin un peu partout pour protéger la biodiversité régionale plus ordinaire. Le maintien de haies dans les zones ouvertes est aussi une garantie de disponibilité de zones refuges pour les carabes auxiliaires des cultures.
Le domaine de validité
La méthode a été validée dans deux régions différentes. Cependant, les paysages ont en commun, des haies et bosquets avec une strate arborescente plus ou moins importante. Ce sont des bocages avec des haies gérées en taillis, taillis sous futaie régulière ou irrégulière ou futaie sous des formes plus ou moins complexes (référentiel national sur la typologie des haies en France – AFAC
Les seuils
Les valeurs seuil ont un sens statistique ; dans la pratique, elles peuvent apparaître abruptes. Mais il ne faut pas les considérer comme intangibles. Bien d’autres facteurs participent à déterminer la présence d’espèces dans une haie. L’histoire de la gestion du paysage, de même que l’usage des parcelles adjacentes ou la continuité du réseau bocager, sont importants. La physionomie de la haie change au cours d’un cycle d’émonde ou d’exploitation d’une haie. L’histoire fait que les carabes forestiers peuvent être absents dans un grain fin, par exemple à la suite d’une utilisation intensive de pesticides. Ils peuvent aussi être présents dans un grain grossier. Ce dernier point est important car des populations peuvent subsister des décennies alors que les conditions de leur installation sont défavorables. Cette capacité de résistance et de résilience leur permet de répondre aux perturbations (gestion défavorable, arasements).
Ces seuils sont donc des indications, des repères, pour engager des discussions et prendre des décisions d’aménagement. Le PGDH est explicitement un outil pour faire évoluer les pratiques de gestion durable sur plusieurs années.
La dynamique de recherche
Les travaux présentés ici résultent d’une coopération forte entre des individus liés à des structures ayant des objectifs différents : production de connaissance (recherche), gestion des bocages et de la biodiversité (gestionnaires, aménageurs). La réussite de cette coopération a reposé sur :
1) un objectif commun : la gestion basée sur la science des paysages bocagers ;
2) une convergence d’approche par le terrain vu dans son ensemble associant expertise technique et approche scientifique ;
3) des relations interpersonnelles intégrant la connaissance de l’autre avec la même valeur, essentielles au dialogue.
Par ailleurs, trois facteurs ont joué un rôle clé : la zone atelier Armorique, le temps relativement long du projet initial et les réseaux de gestionnaires.
La zone atelier fournit une base de données issues d’observations reposant sur un protocole fixe, réalisé par le même technicien (disparition des biais liés aux observateurs) sur plusieurs années. C’est un socle scientifique pouvant servir de référence. Les fluctuations interannuelles des populations de coléoptères carabiques sont intégrées. Par ailleurs, les travaux sur les bocages ont aussi abordé d’autres groupes biologiques (plantes, oiseaux, papillons, etc.) qui ont nourri la construction des critères intégrés au PGDH.
Le projet initial « Bocage et biodiversité » s’est étalé sur quatre années. Ceci a permis de nombreuses réunions et discussions pour acquérir une culture commune et s’accorder sur les concepts.
Le projet a pu se développer grâce à l’insertion des gestionnaires dans un réseau plus vaste traitant du bocage. Ceci a offert au projet l’opportunité de déployer et tester les méthodes sur d’autres sites d’intérêt pour les gestionnaires, en Bretagne et dans le Gers.
Remerciements
Nous remercions tous les agriculteurs qui ont accepté que nous collections des carabes dans leurs haies, les stagiaires qui ont réalisé les captures de carabes, leur détermination et les analyses préliminaires. Nous remercions, également, K. Delabroise de la Région Bretagne pour son accompagnement dans le montage et le suivi du projet, L. Commagnac de l’Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) pour la mise à disposition des cartes, Air papillon pour l’autorisation d’utiliser les images et M. Dubois de l’Office français pour la biodiversité (OFB) pour son accompagnement dans la diffusion de nos travaux. Nous remercions les relecteurs de la revue Sciences Eaux & Territoires pour leur pertinent travail éditorial.
Financements
Le projet « Bocage et Biodiversité » a bénéficié de financements FEDER et de la Région Bretagne. Des financements additionnels ont été apportés par le projet WOODNET cofinancé par les agences nationales ANR, MINECO, et BELSPO, par les collectivités des sites tests (Lamballe Terre et Mer, Loudéac Communauté Bretagne Centre, Syndicat de bassin de l’Elorn, Syndicat mixte du Grand Bassin de l’Oust) et avec le soutien financier de l'Office français de la biodiversité via des fonds « écocontribution » pour les travaux dans le Gers.
Notes
- https://labelhaie.fr/
- Schéma de cohérence territoriale
- Plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local de l'habitat.
- Fonds européen de développement régional.
- Le plan de gestion durable des haies (PGDH) est un outil, qui à partir de l'état des lieux des haies d'une exploitation, propose des interventions à mettre en place, tant en reprise de l'existant qu'en création de nouveaux linéaires : https://afac-agroforesteries.fr/plan-de-gestion-durable-des-haies-pgdh/
- Partie de la zone atelier Armorique : https://osur.univ-rennes1.fr/za-armorique
- AFAC-Agroforesteries (2019) : https://afac-agroforesteries.fr/typologie-nationale-des-haies/
Références
- BAUDRY, J., & BUREL, F. (2019). Multi-scale control of carabid assemblages in hedgerow network landscapes. The Ecology of Hedgerows and Field Margins. J. Dover (ed.), Routledge: 147, https://doi.org/10.4324/9781315121413
- FORMAN, R. T. T. & BAUDRY, J. (1984). Hedgerows and hedgerow networks in Landscape, Ecology. Environmental Management, 8, 499-510, https://doi.org/10.1007/BF01871575
- GRAHAM, L., GAULTON, R., GERARD, F., STALEY, J. T. (2018). The influence of hedgerow structural condition on wildlife habitat provision in farmed landscapes. Biological Conservation, 220, 122-131, https://doi.org/10.1016/j.biocon.2018.02.017
- GUYOT, G. (1975). Rapport III. 2. Les effets microclimatiques des brise-vent; conséquences sur les composantes du bilan hydrologique. Journées de l'hydraulique, 13(1), 1-8. https://www.persee.fr/doc/jhydr_0000-0001_1975_act_13_1_4417
- LENOIR, J., DECOCQ, G., SPICHER, F., GALLET‐MORON, E., BURIDANT, J., CLOSSET‐KOPP, D. (2021). Historical continuity and spatial connectivity ensure hedgerows are effective corridors for forest plants: Evidence from the species–time–area relationship. Journal of Vegetation Science, 32(1), https://doi.org/10.1111/jvs.12845
- MORET, C., JOUON, S., LEBRETON, L. (2019). Retour d'expérience – Les filières du bocage, de la gestion durable à la production de bois d’œuvre et de bois énergie : retour d’expérience sur le territoire de Lannion-Trégor Communauté, Revue Science Eaux & Territoires, n°30, Ressources en eau, ressources bocagères, p. 22-25, https://doi.org/10.14758/SET-REVUE.2019.4.04
Résumé
Nous présentons les résultats d’une recherche pour l’action visant à la gestion de la biodiversité dans les bocages. Deux facteurs ont été testés vis-à-vis de leur pertinence pour évaluer la biodiversité : l’un local (note biodiversité Plan de gestion durable des haies, PGDH) et l’autre paysager (grain bocager) contrôlant la biodiversité des réseaux bocagers. La note PGDH se rapporte à la structure des haies (hauteur, densité de boisement, structure de la base). Le grain bocager combine la densité de haies et la géométrie du réseau. Les développements méthodologiques ont été menés en étroite coopération entre chercheurs et gestionnaires sur deux territoires bretons dont une zone atelier. Les méthodes ont ensuite été testées sur quatre autres sites bretons, puis dans le Gers. La biodiversité était représentée par le groupe des coléoptères carabiques en Bretagne et l’avifaune dans le Gers. La combinaison des deux indices permet d’évaluer la façon dont l’interaction entre la structure de la haie et la structure du réseau bocager contrôle la biodiversité. Ces interactions différencient des espaces favorables aux espèces à affinité forestière (les plus menacées dans les bocages) et ceux favorables aux espèces de milieu ouvert. Ces avancées ont été permises (développement et tests) grâce à la coopération intense entre les diverses parties prenantes.
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